Ignorant totalement dans quelle direction aller, vous demandez votre chemin à un couple que vous croisez sur votre trottoir. La dame, liftée et guindée, prend peur en vous voyant et tire sur la manche de son mari pour qu'il vous évite, mais l'homme, grand et avenant, vous répond avec bienveillance :
- Il n'y a aucune clinique à ma connaissance de ce côté du Rhône. Gagnez l'autre rive et suivez le boulevard Favon, vous devriez arriver pas loin de l'hôpital.
- C'est loin d'ici ? demandez-vous, prêt de défaillir.
- Ça vous fait une petite trotte, oui, ma foi.
Vous avalez votre salive et vous mettez en route, en titubant. Soudain, vous tombez. Vous n'aurez pas assez de forces pour tenir la distance. Alors que vous allez renoncer à votre idée, l'homme vous rattrape et vous aide à vous relever.
- Vous êtes souffrant, monsieur ? s'enquiert-il, bien conscient de la réponse. Ecoutez, vous n'êtes pas en état de faire à pied tout le chemin jusqu'à l'hôpital. Nous allons vous emmener.
- Mais enfin, Georges, proteste sa femme à voix basse, vous ne savez pas qui est cet... cet étranger. Qui vous dit que ce n'est pas un... un tueur ?
- Si c'est le cas, il n'a pas l'air en état de vous faire grand mal, ma mie. Vous qui me bassinez pour ne rater aucune messe du dominicale, il est temps de mettre en pratique ces sermons qui vous sont chers.
L'homme vous transporte jusqu'à sa Mercedes garée non loin et vous conduit jusqu'aux Hôpitaux Universitaires de Genève. Tout le trajet, vous êtes pris de vertiges, avachi sur la banquette arrière. La bourgeoise liftée ne cesse de se tourner vers vous, peu rassurée. Lorsque vous arrivez à destination, des infirmiers prévenus par son mari viennent vous chercher. Vous tournez de l'oeil sur le brancard et finissez par perdre connaissance.
Des images tournoient devant vous à toute vitesse, comme dans un kaléidoscope cauchemardesque : le Chicago Ace, Dédé le clochard, les eaux du fleuve, la fille aux cheveux bleus... Brusquement, vous vous réveillez en sursaut. Vous vous trouvez dans un lit d'hôpital. La lumière du jour, presque aveuglante, envahit la chambre par une large fenêtre. Dans votre bras est planté un goutte-à-goutte. Vous vous sentez toujours un peu vaseux, mais la nuit de profond sommeil que vous venez de passer vous a fait beaucoup de bien. La blessure au thorax que vous avait causée l'impact de balle sur votre crucifix a complètement cicatrisé. Et vous n'avez plus mal au crâne. Blanchissez toutes les cases Santé de votre Feuille d'Aventure. Hélas, vous êtes toujours aussi amnésique. Rien ne vous est revenu dans la nuit.
- Monsieur se réveille ?
Une infirmière bedonnante et au visage aimable vient d'entrer dans votre chambre, un plateau-repas dans les mains.
- Quelle heure est-il ? demandez-vous.
- C'est déjà midi, Monsieur. Vous avez dormi toute la matinée. Et ça a l'air de vous avoir ragaillardi.
- Pourquoi ai-je un goutte-à-goutte ?
- Le docteur m'a dit que c'était pour faire partir totalement le poison.
- Le poison ? Quel poison ?
- La drogue que vous avez prise hier soir, vous répond-elle en cachant mal sa réprobation. (devant votre air ahuri, elle se justifie :) Peut-être ne vous en souvenez-vous pas, le GHB entraîne parfois des pertes de mémoire, mélangé avec d'autres produits.
Vous n'en revenez pas. Vous êtes certain de ne pas être un drogué ; vous sentiriez le manque. Vous savez que le GHB est parfois utilisé comme drogue de viol, versé dans le verre des jeunes filles. Comme vous voyez mal être la cible d'un pervers, vous ne voyez qu'une autre explication : on a voulu vous empoisonner. Ce n'est peut-être pas votre chute qui a provoqué votre amnésie, mais le produit que l'on vous a injecté.
Vous demandez où est votre parka. L'infirmière vous indique le portemanteau à l'entrée de la chambre.
- Nous n'y avons pas trouvé vos papiers d'identité. Pouvez-vous me dire votre nom, Monsieur ?
Vous réfléchissez à trois cent à l'heure et improvisez :
- Jean Durand.
- A tout à l'heure, Mr Durand. Mangez bien et reposez-vous.
Affamé, vous ne vous faites pas prier. La nourriture est pour le moins quelconque, mais vous n'aviez pas mangé depuis un jour au moins, vous avez l'impression. Notez le mot-code "MARPEM" sur votre Feuille d'Aventure. Vous sentant d'attaque, vous vous levez du lit, retirez votre goutte-à-goutte et passez aux toilettes de votre chambre. Un journal du jour a été laissé sur une chaise. Vous le dépliez pour jeter un ?il à la une. Vous étouffez un hoquet de surprise lorsque vous y découvrez un visage qui vous ressemble ! Le gros titre de l'actualité ce matin est le meurtre de Vitto Vogel, le propriétaire du bar le Chicago Ace, retrouvé abattu d'une balle dans la tête dans son bureau au premier étage de son établissement. Le principal suspect est un homme brun, vêtu d'une parka noire, aperçu par un policier en planque devant le troquet. Un portrait-robot a été établi et diffusé dans tout le canton de Genève ; c'est ce portrait qui fait la une. Bien qu'il soit heureusement vague, il n'y a aucun doute là-dessus : c'est de vous qu'il s'agit ! Vous êtes considéré comme armé et dangereux. Vous lisez l'article en pages intérieures et apprenez que le détective Nils Jacket, connu pour avoir démasqué l'an dernier le célèbre espion l'Agent X, est venu prêter main forte à la police suisse, ce qui signifie que le tueur recherché est un gros gibier.
Vous vous asseyez sur le lit pour vous remettre de vos émotions. Votre situation semble empirer d'heure en heure, et toujours pas moyen de vous rappeler la moindre bribe de souvenir qui pourrait vous sortir de ce cauchemar. Vous remettez vos chaussures, laissées au pied du portemanteau, et enfilez votre parka. En vous rhabillant, vous entendez la voix de l'infirmière à travers la porte. Elle parle à deux hommes.
- Oui, il est réveillé.
- Très bien, nous avons quelques questions à lui poser. Merci de nous avoir prévenus, Madame.
- C'est normal, inspecteur.
La police ! Elle est déjà là. Vous fouillez vos poches pour vérifier qu'il ne vous manque rien.
Si votre Browning avec silencieux est toujours noté sur votre Feuille d'Aventure, rendez-vous au
528.
Si vous vous en êtes débarrassé, rendez-vous au
1197.