Tout le monde autour de vous est absorbé par les allées et venues des policiers dans le bar. Certains en ramènent des sacs remplis de pièces à conviction. Un fourgon arrive alors ; des ambulanciers en sortent et, vingt minutes plus tard, ils reviennent du Chicago Ace en portant un grand sac noir sur leur brancard. C'est le corps de Vitto Vogel qu'ils enlèvent pour le conduire à la morgue. Vous perdez ainsi toute chance de l'examiner. Vous vous approchez suffisamment pour bien voir, mais en restant raisonnablement loin pour ne pas courir le risque d'être reconnu. En particulier par les quelques journalistes qui occupent la première ligne des curieux, aisément reconnaissables à leurs dictaphones ou leurs appareils photos reflex.
Un badaud, un homme allant sur la cinquantaine d'années, vient se planter à côté de vous et se met à vous parler sans que vous ne l'ayez même regardé.
- Il y avait plus de journalistes ce matin, je trouve. Faut dire que tous les responsables de la police sont déjà partis, donc ils ne n'ont plus d'interviews potentielles à se mettre sous la dent, vu que les subordonnés ont pour ordre de se taire. Ce matin, il y avait aussi ce détective étranger...
Nils Jacket, je crois. Les gens ne le savent pas, mais j'ai eu ouï dire que ce type bosse pour Interpol. S'il s'est déplacé jusqu'à Genève pour enquêter sur ce meurtre, c'est que ce doit être plus grave qu'une simple bagarre d'ivrognes.
Vous avez l'impression qu'il a passé la matinée à observer le manège des policiers et à recueillir les potins et rumeurs. Vous tournez la tête de l'autre côté, mais l'importun vous attrape la manche et poursuit, persuadé de vous captiver avec ses révélations :
- Ce Vitto Vogel, c'était un mafieux, vous savez. Dans le quartier, on s'en doutait tous, vu les drôles de gugusses qui fréquentaient son bar. Je ne vous parle même pas des tenues que portaient les filles qui les accompagnaient ! Tenez, encore ce matin, j'ai vu rôder dans le coin ce noir, tout droit sorti d'un épisode de Starsky & Hutch. En tous cas, si ce Nils Jacket est là, à rôder dans l'ombre, ce n'est pas pour donner un conseil ou deux par ci par là, comme le présente le commissaire Lamprey. Moi, je pense que ça doit être une affaire de trafic de drogues. Vous n'êtes pas d'accord avec moi, Monsieur ? Tiens, c'est bizarre, vous me rappelez quelqu'un...
Comprenant que vous allez avoir des ennuis dans les secondes à venir, vous tournez les talons et vous vous éloignez en hâtant le pas. D'abord perplexe quant à votre attitude, le raseur se souvient tout à coup de l'endroit où il vous a déjà vu.
- Police ! Police ! crie-t-il. Cet homme, c'est celui du portrait-robot dans le journal !
Tout le monde tourne soudain la tête dans la direction qu'il leur indique : la vôtre. Comme un passant veut vous stopper, vous l'écartez vivement du bras et vous vous mettez à courir ! Lorsqu'ils voient cela, les policiers laissent ce qu'ils étaient en train de faire et se lancent à votre poursuite ! Décidément, votre vie depuis hier n'est que cavale. Vous avez pris un gros risque en vous mêlant ainsi à la foule, sachant que votre portrait-robot a été largement diffusé.
Comme vous avez une longueur d'avance sur la maréchaussée, vous empruntez d'étroites venelles pour les semer. En vain. Vous les entendez toujours derrière vous. Le problème est que vous croisez toujours un passant qui ne manque pas, quand les policiers arrivent vers lui, de leur indiquer dans quelle direction vous avez fui. Vous devez changer de stratégie si vous voulez leur échapper. Lorsque vous passez devant un petit entrepôt aux murs défraîchis, dont la porte est ouverte, vous vous y engouffrez sans hésiter. Vous vous retrouvez dans un rez-de-chaussée pas très haut de plafond, où sont éparpillés sur le sol un grand nombre de pièces détachées de voiture. Vous vous plaquez derrière le mur pour vous cacher lorsque les agents passent devant la porte et continuent leur route. Vous soufflez, content qu'ils soient partis dans une mauvaise direction. Mais vous préférez attendre un moment qu'ils se soient éloignés. C'est alors que vous entendez un sifflotement dans votre dos. Quelqu'un vient d'une autre pièce du rez-de-chaussée. C'est un garagiste qui amène une nouvelle pièce détachée.
- Je peux faire quelque chose pour vous, Monsieur ?
Vous lui expliquez être poursuivi par votre ex femme qui vous réclame encore de l'argent. Le brave homme vous prend immédiatement en sympathie et vous indique sa porte de derrière, pour vous permettre de partir sans être aperçu. Vous le remerciez vivement.
Vous vous retrouvez dans une petite allée verdoyante derrière l'entrepôt. Si ce n'est déjà fait, notez le mot-code "TUVOAV" sur votre Feuille d'Aventure. Vous quittez les lieux sans vous presser, tranquillement, histoire de ne pas paraître suspect, et aussi de reprendre votre souffle après cette nouvelle course. Vous avez failli vous faire pincer une nouvelle fois. Il va vous falloir faire preuve de davantage de prudence à l'avenir.
Rendez-vous au
177.