Resté seul dans ce logis de fortune, vous en profitez pour revivre le fil de tout ce qu'il vous est arrivé depuis votre "réveil". Peu de choses en vérité, mais tout se bouscule à toute allure dans votre tête. Pour chasser toutes ces idées incohérentes, vous examinez plus en détail l'endroit où vous vous trouvez. Dédé a aménagé les lieux avec tout le matériel de récupération qu'il a pu trouver. Sa paillasse, par exemple, est en fait une vieille housse rembourrée de papiers journaux. Dans le coin des bouteilles, il y a en réalité tout un bric-à-brac stocké là : des cagettes, des piles de journaux, des seaux, et aussi un lot de sous-verres ornés d'un logo "Chicago Ace".
Une demi-heure après son départ, Dédé est de retour avec un sac de nourriture. Il est allé les acheter à un épicier turc qui vend aux nécessiteux qui le souhaitent certaines de ses denrées qui ne peuvent plus être vendues dans un commerce. Vous mangez ainsi des beignets de viande desséchés et un yaourt à la date de consommation dépassée, le tout arrosé d'un verre en plastique de vin rouge en bonbonne. Vous aviez tellement faim que remplir votre estomac, même avec n'importe quoi, vous fait un bien fou. Vous sentez ensuite le poids de la fatigue s'abattre sur vous. Vous êtes encore blessé et, bien que vous n'en ayez aucun souvenir, vous sentez que vous avez eu une journée éreintante. Et cette amnésie... Plus que toute autre plaie, ce trou noir dans votre tête est le plus éprouvant pour votre santé. Chaque effort vain pour vous rappeler la moindre chose de votre passé est une douleur insupportable. Votre corps ne peut lutter plus longtemps. Paranoïa ou pas, il vous est impossible de demeurer éveillé. Vous vous écroulez sur le rouleau de vieux lino que vous a trouvé votre hôte pour vous servir de couche. Enveloppé dans une couverture, vous dormez profondément et ne pensez plus à rien. Plus de filles aux cheveux bleus, personne pour vous tirer dessus... Enfin une pause dans cette nuit de fous !
Le lendemain matin, vous vous réveillez en bonne forme. Votre sommeil a été réparateur : la blessure au thorax que vous avait causée l'impact de balle sur votre crucifix a complètement cicatrisé. Et vous n'avez plus mal au crâne. Hélas, vous êtes toujours aussi amnésique. Rien ne vous est revenu dans la nuit.
Dédé est désolé de l'apprendre. Levé longtemps avant vous, il est resté veiller sur vous jusqu'à votre réveil. Il vous a entendu parler dans votre sommeil, il a cru saisir les paroles "effaceur" et "test". Rien de très concret. Jusqu'à présent aidé par ce brave clochard, vous ne pouvez plus trop en exiger de lui, il vous faut maintenant reprendre votre destin en main. Vous ramassez vos affaires (il ne vous manque rien, comme vous vous en doutez), remerciez Dédé pour tout et sortez dans la fraîcheur matinale. Avant que vous ne partiez, votre sauveur vous dit que, si vous ne retrouvez pas le souvenir de l'endroit où vous habitez, vous pouvez revenir coucher ici. Vous notez que la piaule se situe dans le parking du 27 quai Seujet, porte n°8 ; grâce à cette adresse, vous pourrez retrouver sans peine votre chemin jusqu'ici. Sous un pâle soleil d'automne, vous partez à la recherche de vous-même.
Rendez-vous au
11.