Vous savez que le bar est au bord du Rhône. Vous réalisez avec bonheur que votre moto est équipée d'un GPS intégré assez perfectionné. Vous repérez où vous êtes sur une carte du canton de Genève et où se situe le Rhône. Vous démarrez en trombe, entrez dans la ville et rejoignez le Rhône. Vous le longez en direction du lac et parvenez bientôt dans des rues que vous reconnaissez, même si, dans votre souvenir, vous ne les avez vues que de nuit. Pleines de badauds, elles grouillent également de policiers. Vous comprenez que vous êtes arrivé au Chicago Ace.
Un périmètre de sécurité a été délimité autour du bar ; seuls les enquêteurs ont le droit d'y pénétrer et les curieux s'amassent le long pour observer. Vous arrêtez votre moto à quelque distance pour comprendre la raison de ce rassemblement. Vous observez la scène, sans vous faire remarquer, et vous tendez l'oreille pour écouter ce que disent les gens. Un passant qui vient d'arriver demande ce qu'il se passe, son voisin lui montre la une du journal d'aujourd'hui et vous frissonnez en y reconnaissant un visage qui vous ressemble !
- Vous voyez ce portrait-robot en première page ? Eh bien ce type a assassiné cette nuit Vitto Vogel, le patron de ce bar, là. Les policiers sont là pour y mener leurs investigations et remonter la piste jusqu'à ce dangereux criminel.
- Je connaissais de nom ce Vogel. Il a été tué comment ?
- D'une balle dans la tête, sans fioritures.
- Comment on sait que c'est le gars du portrait-robot qui a fait le coup ?
- Il a été vu par un policier en planque, d'après ce que j'ai lu.
- Le portrait est un peu vague. Trop juste pour qu'on puisse le reconnaître si on le croise, vous ne trouvez pas ?
- Peut-être. Ils disent juste qu'il porte une parka noire.
Vous vous sentez défaillir. Bien que, une chance pour vous, le portrait-robot manque de précision, vous n'avez aucun doute là-dessus : c'est de vous qu'il s'agit ! Vous venez enfin d'apprendre quelque chose sur vous, susceptible de vous rappeler qui vous êtes, et ce quelque chose n'est guère reluisant : vous êtes suspecté de meurtre ! Comment cela se fait-il ? Que s'est-il réellement passé la nuit dernière ? Vous écoutez de nouveau vos deux badauds, au moment où l'un d'eux est soudain pris d'excitation :
- Regardez là-bas, vous voyez ? Ce gars qui essaie de fuir les journalistes !
- Le chapeau feutre qu'on voit dépasser au-dessus des têtes ?
- Oui, c'est ça. Il s'agit du détective Nils Jacket. Il est étranger, je crois.
- Il est connu ?
- Vous ne vous souvenez pas de cette affaire, l'an dernier, du célèbre espion l'Agent X ? Eh bien c'est ce détective qui l'a démasqué. S'il est venu aider notre police, c'est que ça doit être vraiment important et grave.
Compte tenu de ces révélations, vous comprenez que l'endroit est désormais dangereux. Vous remettez le contact et vous vous apprêtez à repartir quand soudain un policier en uniforme surgit et vous interpelle :
- Hé, Monsieur, vous devez rouler avec un casque, vous...!
Il s'interrompt soudain en découvrant votre visage. Il vient de vous reconnaître comme l'homme du portrait-robot ! Manifestement, il n'est pas assez vague pour vous mettre hors de danger. Vous pressez la manette des gaz et démarrez au quart de tour, pour ne pas lui laisser le temps de réagir. Vous avez déjà fait cent mètres quand vous l'entendez hurler derrière vous. Vous regardez dans votre rétroviseur et voyez que toute la foule agglutinée devant le Chicago Ace s'est retournée pour voir ce qu'il se passait dans leur dos. Vous levez les yeux de votre rétro trop tard pour voir une voiture de police avançant devant vous pour vous bloquer la route. Vous freinez brusquement mais allez encore suffisamment vite pour la percuter de plein fouet. Vous emboutissez votre moto et valdinguez par-dessus le capot. Vous boulez sur le sol mais ne perdez pas connaissance. Poussé par la soudaine adrénaline, vous vous relevez, tout contusionné. Noircissez l'une de vos cases Santé. Avant que la maréchaussée ne rapplique, vous prenez vos jambes à votre cou malgré le choc de l'accident.
Décidément, votre vie depuis douze heures n'est que cavale. Comme vous avez une longueur d'avance sur les policiers, vous empruntez d'étroites venelles pour les semer. En vain. Vous les entendez toujours derrière vous. Le problème est que vous croisez toujours un passant qui ne manque pas, quand ils arrivent vers lui, de leur indiquer dans quelle direction vous avez fui. Vous devez changer de stratégie si vous voulez leur échapper. Lorsque vous passez devant un petit entrepôt aux murs défraîchis, dont la porte est ouverte, sans hésiter, vous vous y engouffrez. Vous vous retrouvez dans un rez-de-chaussée pas très haut de plafond, où sont éparpillés sur le sol un grand nombre de pièces détachées de voiture. Vous vous plaquez derrière le mur pour vous cacher lorsque les agents passent devant la porte et continuent leur route. Vous soufflez, content qu'ils soient partis dans une mauvaise direction. C'est alors que vous entendez une voix familière crier :
- Cette porte ! Venez par ici, il a dû prendre cette porte !
- Mais ? Comment pouvez-vous en être sûr, Mr Jacket ? lui répond un policier.
Cette voix, c'est donc celle de ce fameux Nils Jacket ! Il s'est lancé lui aussi à votre poursuite, on dirait. Vous avez déjà entendu cette voix. Ce Nils Jacket fait partie de votre passé, vous en êtes certain. Et, fin limier, il a deviné par où vous vous êtes esquivé ! Comment s'y est-il pris ? Vous n'avez pas le temps de réfléchir, et pas même une seconde à perdre, vous devez trouver une sortie. Quelqu'un vient d'une autre pièce du rez-de-chaussée, vous l'entendez siffloter. Ni une ni deux, vous gravissez un escalier de bois qui mène à l'étage, une pièce vide et désaffectée. Vous entendez en bas un Jacket véhément :
- Cet homme est à moi, je vous ai dit ! C'est mon enquête !
Mais vous avez de la chance : ils sautent tous sur le garagiste siffloteur qui amenait une nouvelle pièce détachée, le prenant pour vous. N'attendant pas qu'ils réalisent leur méprise, vous traversez la salle où vous êtes jusqu'à une fenêtre que vous ouvrez. Elle donne sur l'arrière de l'entrepôt, une petite allée verdoyante. Vous sautez dans un buisson qui amortit votre chute et prenez la tangente. Lorsque vous êtes sûr d'avoir semé vos poursuivants, vous vous adossez à un mur et reprenez votre souffle en respirant fort.
Notez le mot-code "TUVOAV" sur votre Feuille d'Aventure. Vous êtes épuisé et encore meurtri de votre accident de moto. Vous respirez fort. Vous avez vraiment été tout près de vous faire pincer. La faute à ce diable de Jacket. Il a flairé votre piste du premier coup. Vous devrez vous méfier de lui à l'avenir. Il semble vif d'esprit et, d'après ces propos, déterminé à vous mettre la main dessus. Il paraît autrement plus dangereux qu'une escouade entière de policiers, mais peut-être sait-il des choses sur vous. Après tout, vous faites visiblement partie de son enquête, et lui de votre passé.
Dès que vous avez repris votre souffle, vous quittez ces lieux dangereux, direction le
129.