Vous franchissez l'embrasure en prenant soin de ne faire aucun bruit, et vous refermez la fenêtre derrière vous. Aucun lampadaire n'éclaire l'endroit où vous êtes, qui est plongé dans l'ombre, et les policiers n'ont allumé aucun projecteur. Vous risquez un oeil dans la rue en contrebas : personne ne vous a aperçu. Le hic, c'est que le pan de toit où vous vous tenez est très exigu et ne donne sur rien à part le vide. Hormis vous y cacher, vous ne pouvez rien faire d'autre ici. Et vous sentez qu'il vous sera difficile de rester inaperçu ici bien longtemps.
Par bonheur, vous découvrez une échelle métallique le long de la paroi ; elle permet d'accéder au toit supérieur de l'édifice. Ni une ni deux, vous la montez et vous retrouvez au sommet du Chicago Ace. Une position toujours très précaire ; il suffit qu'il prenne aux gardiens de la paix l'idée de braquer des projecteurs vers le toit et vous serez repéré. Heureusement, le bâtiment et l'un des immeubles voisins sont attenants. Le Chicago Ace, avec la hauteur de son rez-de-chaussée, fait l'équivalent de trois étages. L'immeuble mitoyen en fait un de plus. Pour passer d'un toit à l'autre, une nouvelle échelle métallique monte le long du mur adjacent. Vous vous précipitez vers elle et la gravissez. Vous voici à présent sur le toit de l'immeuble voisin, haut de quatre étages.
Comme personne ne semble avoir noté votre présence, vous faites le tour du toit pour avoir une meilleure vue d'ensemble de la situation. Dans les rues devant et derrière le bar, c'est une impressionnante concentration de forces de police. On dirait que toute la maison parapluie est de sortie. C'est un gros gibier qu'elle traque pour débarquer en nombre ainsi. En sentant le Browning avec silencieux sur vous, vous frissonnez à l'idée que vous puissez être leur proie. En fouillant les immeubles alentours du regard, vous avisez tout de suite une fenêtre, à laquelle est penché un homme qui surveille attentivement les man?uvres policières. Il ne regarde pas avec l'oeil curieux du simple badaud. Il y a du professionnalisme dans sa façon de scruter ce qu'il se passe. Cet homme est très certainement un inspecteur de police en planque, vous en avez l'intime conviction. Comment pouvez-vous en être si sûr ? Vous ne sauriez l'expliquer, mais vous savez que vous avez raison. Votre instinct ne trompe pas. A défaut de mémoire, c'est déjà une précieuse chose que vous avez gardée de votre patrimoine intérieur. Depuis quand est-il là à épier le Chicago Ace, et qu'a-t-il vu ? Il serait intéressant de le savoir, mais votre situation ne vous permet pas vraiment d'aller lui poser la question.
Soudain, vous entendez des éclats de voix derrière vous, en contrebas, sur le petit pan de toit du Chicago Ace. Les agents ont remarqué que la fenêtre par laquelle vous êtes passé était mal fermée ; de l'extérieur, il vous était malaisé de la fermer mieux. Ils montent sur le toit à leur tour, pour vous donner la chasse, sans savoir s'il y a bien quelqu'un à débusquer. Tant qu'ils ignorent votre présence, vous avez l'avantage. Mais si vous voulez en tirer profit pour vous sauver, il vous faut faire vite déguerpir car ils ne vont pas tarder à monter jusqu'ici. Une seule possibilité de fuite vous apparaît : l'immeuble sur le toit duquel vous vous trouvez n'est séparé de l'immeuble suivant que par une étroite ruelle. Vous pouvez tenter de sauter sur ce toit voisin.
C'est alors que vous entendez un bruit mécanique familier : celui d'un train. Vous gagnez le bord du toit qui donne sur la devanture du bar et apercevez, à la clarté des lampadaires, un train qui passe sur une voie ferrée en contrebas, une cinquantaine de mètres plus loin. Il roule lentement ; sans doute vient-il tout juste de sortir de gare, gare qui doit se trouver dans les environs. Si vous pouviez sauter sur le toit d'un wagon, votre fuite serait assurée, vous dites-vous, mais il est bien trop loin pour espérer pouvoir l'atteindre. Il faudrait avoir des ailes pour voler sur les cinquante mètres qui vous séparent de ce moyen d'évasion. Quoique...
Vous remarquez qu'un fil électrique part du bord du toit où vous êtes et descend jusqu'à l'immeuble d'en face, qui ne fait qu'un étage de haut. La voie ferrée passe juste derrière lui. En vous servant de votre parka en travers du câble comme d'une tyrolienne, vous pouvez tenter de glisser le long dudit câble jusqu'à l'autre toit. Bien sûr, c'est un risque énorme si vous lâchez prise en cours de route.
Si vous tentez le coup de la tyrolienne, rendez-vous au
972.
Si vous préférez sauter de toit en toit, rendez-vous au
754.