Vous claudiquez pour sortir de la zone des voies ferrées mais votre blessure au flanc vous handicape trop. Maintenant que la poussée d'adrénaline est passée, toute la douleur de l'hémorragie s'abat sur vous. Vous n'avez aucun endroit où vous cacher sur ce terrain à découvert. Votre unique salut est de vider les lieux le plus vite possible, avant que la police n'arrive. Vous savez que vous n'avez aucune chance d'y arriver, mais vous n'avez pas d'autre choix. Au prix d'un effort immense qui vous meurtrit le côté, vous traînez la patte jusqu'à la limite des voies. C'est alors que des éclats de voix résonnent dans la nuit et des faisceaux de lumière s'allument tout au tour de vous. Votre tête se remet à tourner. Vous vous sentez de plus en plus nauséeux, comme lorsque Dédé vous a réveillé tout à l'heure. Vous essayez d'avancer malgré tout, mais vous êtes trop lent. Soudain, on crie à votre encontre :
- Arrêtez-vous là ! Rendez-vous !
Vous êtes à présent cerné par les lumières. Blessé, éreinté, l'estomac dans les talons, vous n'en pouvez plus. Votre corps ne peut lutter plus longtemps. Toutes vos forces vous quittent d'un coup et votre esprit se trouble. Vous perdez connaissance et vous vous écroulez sur le sol.
Des images tournoient devant vous à toute vitesse, comme dans un kaléidoscope cauchemardesque : le Chicago Ace, Dédé le clochard, le train, les eaux du fleuve, la fille aux cheveux bleus... Brusquement, vous vous réveillez en sursaut. Vous vous trouvez dans un lit d'hôpital. Vous ne pouvez bouger : vos membres sont maintenus par des sangles. La lumière du jour, presque aveuglante, envahit la chambre par une large fenêtre. Dans votre bras est planté un goutte-à-goutte. Vous vous sentez toujours un peu vaseux, mais la nuit de profond sommeil que vous venez de passer vous a fait beaucoup de bien. Vous ne ressentez plus aucune douleur, ni au flanc, ni au thorax, ni même à la tête. Blanchissez toutes les cases Santé de votre Feuille d'Aventure. Hélas, vous êtes toujours aussi amnésique. Rien ne vous est revenu dans la nuit.
- Je vois que vous êtes revenu à vous.
Vous tournez la tête sur votre droite : un homme en imperméable, au menton carré et à la mine peu commode, est assis à votre chevet.
- Qui... qui êtes-vous ? vous enquérez-vous dans un balbutiement.
- C'était justement la question que je souhaitais vous poser. Mais comme je constate que vous êtes rétabli, je vais laisser ce soin au commissaire.
- Vous... vous êtes de la police ?
Pour seule réponse, l'homme se lève et sort de la pièce. Aussitôt, six agents en uniforme investissent votre chambre, suivis d'un médecin. Ce dernier vous enlève votre goutte-à-goutte et, tandis que les policiers vous tiennent en joue de leurs revolvers, il détache vos sangles. Malgré ses protestations, les gardiens de l'ordre vous mettent debout et vous passent les menottes. Vous poussez un cri de douleur en sentant votre flanc.
- Il n'a été opéré que cette nuit, messieurs ! s'indigne le toubib. Il n'est pas en état de sortir si tôt pour subir un interrogatoire. Et puis, vous ne croyez pas que vous en faites un peu trop, là ? Je n'ai jamais vu autant de précautions pour appréhender un criminel.
- Si vous saviez, Docteur, la liste des meurtres que ce type a commis, je suis certain que vous feriez moins de chichis ! lui rétorque l'inspecteur au menton carré.
On vous passe votre parka sur le dos pour vous couvrir du froid. Vous réalisez alors qu'ils se sont emparé de toutes vos possessions. A la sortie de l'hôpital, ils vous font monter dans un fourgon de police et vous conduisent au commissariat. Tout s'est passé si vite que vous ne réalisez pas vraiment ce qu'il vous arrive. Vous voilà derrière les barreaux d'une cellule. Vous n'avez pas réussi à dire un mot, ressassant les paroles de l'inspecteur : "
la liste des meurtres que ce type a commis". Vous seriez donc une sorte de tueur en série ? Vous êtes sûr que non, mais impossible de vous souvenir si c'est réellement le cas. Vous avez l'impression de vivre un cauchemar kafkaïen. Comment allez-vous pouvoir convaincre les policiers que vous avez réellement tout oublié ?
Vous êtes finalement emmené poings liés dans le bureau du commissaire, où l'inspecteur au menton carré vous fait vous asseoir. Il vous apprend ce qu'il s'est passé cette nuit : Vitto Vogel, le patron du Chicago Ace, a été assassiné, et vous êtes le suspect n°1.
- Inutile de nier, deux témoins vous ont vu. Je parle même pas de l'arme du crime retrouvée sur vous.
Vous n'avez même pas le temps de réagir à ces accusations qu'un nouvel individu, et non des moindres, fait son entrée dans la pièce.
Rendez-vous au
200.