Tout le monde autour de vous est absorbé par les allées et venues des policiers dans le bar. Certains, vêtus de blouse blanche, appartiennent certainement à la police scientifique. Comme vous ne voyez aucun véhicule de la morgue, le cadavre n'a pas dû être encore emporté. Vous vous approchez suffisamment pour bien voir, mais en restant raisonnablement loin pour ne pas courir le risque d'être reconnu. Un agglutinement de personnes devant vous, près de la scène, vous bouche la vue. Ce sont des journalistes qui, micro à la main, apostrophent les enquêteurs pour qu'ils répondent à leurs questions.
- Mr Jacket, Mr Jacket ! Pouvez-vous nous dire où en est l'enquête ? Vous avez déjà trouvé le coupable ?
Vivement intéressé, vous tendez le cou pour apercevoir le visage de ce fameux détective dont parle le journal. Hélas, vous ne distinguez que son chapeau, un feutre, qui dépasse au-dessus des têtes des reporters.
- Mr Jacket, Mr Jacket ! Pouvez-vous nous dire un mot ?
- "Un mot", répond une voix qui vous est familière.
- Oui, un mot.
- Ben voilà, "un mot". Et non, pas de photos, merci.
Vous connaissez cette voix. Ce Nils Jacket fait partie de votre passé, vous en êtes certain. Alors que vous tendez l'oreille pour entendre ce qu'il dit, un badaud, un homme allant sur la cinquantaine d'années, vient se planter à côté de vous et se met à vous parler sans que vous ne l'ayez même regardé.
- Ce détective aime la discrétion, vous dit-il. C'est normal, c'est un atout dans son métier. Les gens ne le savent pas, mais il paraîtrait qu'il bosse pour Interpol. S'il s'est déplacé jusqu'à Genève pour enquêter sur ce meurtre, c'est que ce doit être plus grave qu'une simple bagarre d'ivrognes.
Vous tournez la tête de l'autre côté, mais l'importun vous attrape la manche et poursuit, persuadé de vous captiver avec ses révélations :
- Ce Vitto Vogel, c'était un mafieux, vous savez. Dans le quartier, on s'en doutait tous, vu les drôles de gugusses qui fréquentaient son bar. Je ne vous parle même pas des tenues que portaient les filles qui les accompagnaient ! Tenez, encore ce matin, j'ai vu rôder dans le coin ce noir, tout droit sorti d'un épisode de Starsky & Hutch. En tous cas, si ce Nils Jacket est là, à rôder dans l'ombre, ce n'est pas pour donner un conseil ou deux par ci par là, comme le présente le commissaire Lamprey. Moi, je pense que ça doit être une affaire de trafic de drogues. Vous n'êtes pas d'accord avec moi, Monsieur ? Tiens, c'est bizarre, vous me rappelez quelqu'un...
Comprenant que vous allez avoir des ennuis dans les secondes à venir, vous tournez les talons et vous vous éloignez en hâtant le pas. D'abord perplexe quant à votre attitude, le raseur se souvient tout à coup de l'endroit où il vous a déjà vu.
- Police ! Police ! crie-t-il. Cet homme, c'est celui du portrait-robot dans le journal !
Tous les badauds et tous les journalistes tournent soudain la tête dans la direction qu'il leur indique : la vôtre. Comme un passant veut vous stopper, vous l'écartez vivement du bras et vous vous mettez à courir ! Lorsqu'ils voient cela, les policiers laissent ce qu'ils étaient en train de faire et se lancent à votre poursuite ! Décidément, votre vie depuis douze heures n'est que cavale. Vous avez pris un gros risque en vous mêlant ainsi à la foule, sachant que votre portrait-robot a été largement diffusé.
Comme vous avez une longueur d'avance sur la maréchaussée, vous empruntez d'étroites venelles pour les semer. En vain. Vous les entendez toujours derrière vous. Le problème est que vous croisez toujours un passant qui ne manque pas, quand les policiers arrivent vers lui, de leur indiquer dans quelle direction vous avez fui. Vous devez changer de stratégie si vous voulez leur échapper. Lorsque vous passez devant un petit entrepôt aux murs défraîchis, dont la porte est ouverte, sans hésiter, vous vous y engouffrez. Vous vous retrouvez dans un rez-de-chaussée pas très haut de plafond, où sont éparpillés sur le sol un grand nombre de pièces détachées de voiture. Vous vous plaquez derrière le mur pour vous cacher lorsque les agents passent devant la porte et continuent leur route. Vous soufflez, content qu'ils soient partis dans une mauvaise direction. C'est alors que vous entendez cette voix familière, celle de Nils Jacket. Il s'est lancé lui aussi à votre poursuite !
- Cette porte ! Venez par ici, il a dû prendre cette porte !
Il a deviné par où vous vous êtes esquivé ! Comment s'y est-il pris ? Vous n'avez pas le temps de réfléchir, et pas même une seconde à perdre, vous devez trouver une sortie. Quelqu'un vient d'une autre pièce du rez-de-chaussée, vous l'entendez siffloter. Ni une ni deux, vous gravissez un escalier de bois qui mène à l'étage, une pièce vide et désaffectée. Vous entendez en bas un Jacket véhément :
- Cet homme est à moi, je vous ai dit ! C'est mon enquête !
Mais vous avez de la chance : ils sautent tous sur le garagiste siffloteur qui amenait une nouvelle pièce détachée, le prenant pour vous. N'attendant pas qu'ils réalisent leur méprise, vous traversez la salle où vous êtes jusqu'à une fenêtre que vous ouvrez. Elle donne sur l'arrière de l'entrepôt, une petite allée verdoyante. Vous sautez dans un buisson qui amortit votre chute et prenez la tangente. Lorsque vous êtes sûr d'avoir semé vos poursuivants, vous vous adossez à un mur et reprenez votre souffle en respirant fort. Notez le mot-code "TUVOAV" sur votre Feuille d'Aventure, et noircissez l'une de vos cases Santé.
Vous êtes épuisé, et vous avez vraiment failli vous faire pincer. La faute à ce diable de Jacket. Là où vous vous étiez joué des policiers, il n'est pas tombé dans le panneau. Il a flairé votre piste du premier coup. Ce type est un redoutable limier. Vous devrez vous méfier de lui à l'avenir. Il semble vif d'esprit et déterminé à vous mettre la main dessus. Pas du genre à se faire abuser. Il est autrement plus dangereux qu'une escouade entière de policiers, mais peut-être sait-il des choses sur vous. Après tout, vous faites visiblement partie de son enquête, et vous avez déjà entendu sa voix par le passé.
Si vous souhaitez vous cacher et attendre que Jacket sorte pour pouvoir le suivre, rendez-vous au
783.
Si vous préférez ne pas risquer davantage de vous faire prendre ce matin, mieux vaut ne pas rester ici ; rendez-vous au
165 si vous avez vos 3 cases Santé noircies, ou au
129 si ce n'est pas le cas.