Les voitures passent devant vous sans ralentir. Aucun automobiliste ne veut vous prendre. Peut-être sont-ils effrayés par vos allures de vagabond ? Alors que vous commencez à désespérer, un camion vient s'arrêter sur le bas-côté. Un chauffeur routier moustachu et enjoué vous demande où vous voulez vous rendre.
- En France.
- C'est là que je vais livrer, justement. Montez.
Assis à côté de lui sur un siège défoncé, avec un bon hard rock à la radio, vous faites route vers la frontière, le coeur soulagé. Vous n'aspirez qu'à laisser derrière vous ceux qui vous pourchassent. Un peu de calme vous laissera peut-être le temps de reconstituer le puzzle de votre mémoire. Le camionneur vous apprend qu'il fait l'aller-retour Genève-Chambéry deux à trois fois par jour, pour y convoyer des fromages. Il passe la frontière au niveau de la commune de St Julien.
- Les douaniers contrôlent à chaque fois votre cargaison ? vous enquérez-vous. Cela doit être pénible.
- Non, non, ils me connaissent, à force. La plupart du temps, la frontière est laissée ouverte. La Suisse et la France sont des pays proches politiquement.
Lorsque vous arrivez au poste frontière, vous voyez avec joie que les barrières sont effectivement levées. Malheureusement, au moment où vous vous apprêtez à les franchir, un douanier surgit et demande finalement à votre chauffeur de s'arrêter, pour inspecter sa remorque.
- Ben tiens, fallait que je vous dise qu'ils ne me contrôlent jamais pour qu'ils le fassent, ces zigotos ! grommelle-t-il.
Vous avez l'impression que cette inspection dure des heures. La tension est insoutenable. Vous espérez que votre sympathique routier n'est pas un trafiquant de tommes de Savoie contrefaites. En fin de compte, le douanier vous laisse reprendre votre route, à votre grand soulagement. Mais lorsqu'il vous a jeté un oeil à travers la vitre, il vous a bizarrement dévisagé. Alors que vous éloignez de cette zone de danger, vous voyez par le rétroviseur qu'il a empoigné son téléphone portable.
Conformément à la règle, le camion roule au pas pour parcourir les quelques trente mètres qui vous séparent du poste frontière de la douane française, dont les barrières sont baissées. Au moment où votre chauffeur s'y arrête, une escouade de policiers surgit de toutes parts, encerclent le camion et vous mettent en joue avec des fusils. Vous êtes pris au piège, sans le moindre espoir de vous en tirer ! Le douanier suisse a reconnu votre visage à votre passage et a demandé à ses homologues français de vous stopper. Vous avez eu tort de vouloir sortir du pays : il était déjà trop tard, votre portrait-robot avait déjà été communiqué aux frontières et aux aéroports. Vous n'avez pas d'autre choix que de vous rendre.
Les fonctionnaires français vous ramènent au poste frontière suisse où les policiers locaux vous passent les menottes mains derrière le dos et vous fouillent sans ménagements. Ils s'emparent de toutes vos possessions comme autant de preuves ou d'indices. Après avoir pris leurs instructions par téléphone auprès du commissaire en chef du canton, ils vous font monter en voiture et vous reconduisent à Genève, au commissariat central. Vous êtes jeté dans une cellule. Votre tentative de fuite à l'étranger ne va pas plaider en faveur de votre innocence. Vouloir fuir plutôt que de tenir bon et d'affronter le danger n'est pas toujours payant.
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