La lassitude commence à vous gagner à votre tour. Cette soirée a été éprouvante pour tous les deux, et la nuit est presque terminée. Vous feriez bien de dormir les deux ou trois heures qui vous restent d'ici l'aube. Tess prend le lit de la chambre et vous laisse le canapé. Avant qu'elle ne se retire, vous la retenez par le bras.
- Il n'est pas un peu tard pour un plan batifolage ? minaude-t-elle.
- Ce n'est pas ça. Je voulais vous remercier pour...
- Chut ! vous intime-t-elle d'un doigt sur vos lèvres. Vous allez dire des banalités ennuyeuses, auxquelles je ne suis plus réceptive dans mon état. Bonne nuit, Allister... ou quel que soit votre vrai nom !
Comme elle referme la porte derrière elle, elle vous adresse un sourire évocateur :
- Il ne faut jamais vous avouer vaincu, mon cher.
Un encouragement à prendre comme vous voulez, on dirait.
Vidé de toutes vos forces, vous vous écroulez sur le canapé et vous vous enroulez dans la couverture que vous a trouvée votre compagne. A peine allongé, vous vous endormez profondément.
Votre courte nuit s'avère agitée. Les images de la villa de Baby Joe se succèdent devant vos yeux comme dans un kaléidoscope chaotique. Vous rêvez que vous courez, courez, pour échapper à vos tourments. A bout de souffle, vous devez faire une halte. Vous remarquez alors que vous vous trouvez au bord du lac de Genève. A une trentaine de mètres de vous, vous apercevez un homme aux cheveux blond peroxydé coupés en brosse, à califourchon sur une moto. Il est entièrement vêtu de blanc, mais un blanc maculé de nombreuses taches brunes. Au moment où vous allez croiser son regard, un éclair vous aveugle. En vous réveillant dans votre canapé, vous comprenez que vous venez d'avoir un nouveau flash-back.
Notez le Flash-back 8 sur votre Feuille d'Aventure, avec le numéro de ce paragraphe pour pouvoir vous y référer. Vous vous redressez et essayez de réfléchir au souvenir qui vient de vous revenir. Vous vous rappelez Dédé vous dire, le soir du crime, avoir entendu le bruit d'une moto qui s'en allait, non loin du Chicago Ace. Ce nouveau flash-back a-t-il un rapport ? Date-t-il de ce soir-là ou est-il plus ancien ?
Vous remarquez soudain que le jour filtre déjà à travers les volets. Aiguillonné par un sombre pressentiment, vous vous levez d'un bond et vous vous précipitez dans la chambre voir si Tess est toujours là. Votre irruption la fait bondir de peur : à moitié habillée, elle était en train de consulter son téléphone portable. Elle vous tourne le dos immédiatement et vous fustige vertement :
- Non mais ça va pas ! Ça vous arrive souvent, d'entrer sans prévenir, comme un détraqué ?
- Pardon, mais je... je craignais qu'il vous fût arrivé quelque chose...
- C'est ça...!
L'une de ses bottes vient s'écraser dans la plinthe de la porte, vous obligeant à battre en retraite. Avec les femmes, il n'est pas toujours aisé pour un homme de savoir sur quel pied danser...
Comme vous avez fini avant elle de vous rhabiller (vous n'aviez ôté que vos chaussures), vous trompez votre ennui en regardant par la fenêtre. En bas, vous voyez un groupe d'hommes en costume qui ne vous dit rien qui vaille. Ils parlent à voix basse entre eux et l'un d'eux semble leur indiquer de se déployer dans les rues avoisinantes. Ce sont vos ennemis, vous en mettriez votre main à couper !
Tess sort enfin de la chambre. Elle s'est refait une beauté depuis hier soir. Pendant que vous dormiez encore, elle a pris une douche et elle a pris le temps de se remaquiller. Dans sa robe noire, elle a retrouvé sa beauté envoûtante dont elle sait bien se servir.
- Comment allez-vous ce matin ? demande-t-elle pour attirer votre attention. Des souvenirs vous sont revenus dans la nuit ?
- Nous en reparlerons après, répondez-vous, le regard toujours fixé sur vos adversaires en bas dans la rue. Vous feriez mieux de rassembler vos affaires. Nous parlerons en chemin.
- Oh la la, pas la peine de vous mettre en colère ! Vous m'en voulez pour tout à l'heure ? Mais c'était juste que...
-
Ils sont là. Ils n'ont pas mis de temps à nous retrouver. Manifestement, notre petite fuite d'hier n'a pas été du goût de Baby Joe. Ils n'ont pas l'air de savoir dans quel immeuble nous sommes, sinon ils débarqueraient en force ici. Peut-on rester dans cet appartement sans risque ?
- Sûrement pas. S'ils regardent les noms sur les interphones de chaque montée, ils vont découvrir où nous nous sommes réfugiés.
- Il faut que nous mettions les voiles tout de suite.
En sortant, vous voyez le nom "Stéphanie Kruger" sur la porte au moment où Tess la claque derrière elle. Vous n'avez pas le temps de lui poser la question qui vous est venue à l'esprit : vous devez descendre silencieusement par les escaliers, pour être certains de ne pas tomber sur vos traqueurs. Au rez-de-chaussée, le hall d'entrée est désert.
- La bagnole est sur la droite, indiquez-vous à votre alliée. Nous allons sortir sans courir mais en marchant d'un pas ferme, en tâchant de rester à couvert des véhicules en stationnement. Avec un peu de chance, ils n'ont pas encore repéré notre voiture et nous pourrons fuir avec.
A peine avez-vous fait dix mètres dehors que des balles viennent ricocher dans le mur au-dessus de vos têtes !
- Ils nous ont vus ! crie Tess. C'est quoi le plan, maintenant ?
- On court !
Vous piquez tous les deux un sprint jusqu'au coin de la rue et gagnez votre voiture en quatrième vitesse. Au moment où vous en ouvrez les portières, une vitre de la Chevrolet garée juste à côté explose ! On vous tire dessus ! Prenant le volant, vous sortez en trombe de votre place de parking et vous vous élancez dans la rue étroite, en direction du lac. Dans vos rétroviseurs, vous voyez les hommes en costume débarouler et vous canarder. Vos deux pneus arrière éclatent sous leurs coups de feu. Perdant la maîtrise du véhicule, lorsque vous arrivez dans la large artère qui longe la rive, vous faites un "tout droit" et allez vous emboutir dans une file de voitures garées. Décidément, cette journée débute comme a terminé la précédente !
Impossible de redémarrer. Et vos ennemis accourent, armes automatiques en bandoulière. Vous ne pouvez pas rester ici. Vous descendez tous les deux et Tess vous entraîne vers les quais, fréquentés par bon nombre de badauds en dépit du temps gris ce matin.
- Ils n'oseront pas nous faire quoique ce soit devant tout le monde, dit votre compagne.
- Je n'en suis pas certain.
Vous vous mêlez aux passants, qui vous regardent bizarrement. Vous paraissez trop pressés pour être de simples promeneurs venus admirer de près le Jet d'Eau. Tess ne cesse de regarder par-dessus son épaule.
- Je les crois qu'on les a semés, finit-elle par dire.
- Pas du tout. Mince !
A cent mètres devant vous, un groupe d'hommes en costume vient à votre rencontre, le regard fixé sur vous deux. Des hommes de Baby Joe, vous en avez reconnu un que vous avez failli renverser hier soir à la propriété. Un escalier permet de remonter au niveau de la rue, mais inutile de penser à cette issue : d'autres hommes patibulaires en descendent pour vous rejoindre. Votre sang se glace :
- Nous sommes coincés, tout est fichu !
- Non, il nous reste une chance ! s'exclame Tess. Là-bas, il y a un zodiac de la police sur le lac ! Il faut les prévenir !
Et ni une ni deux, elle s'enfuit par la langue de pierre qui traverse les eaux pour conduire au Jet d'Eau. C'est du suicide : cette jetée est dépourvue de barrière, elle est complètement à découvert !
Si vous la suivez, rendez-vous au
173.
Si vous partez de votre côté, rendez-vous au
1348.