Nils Jacket Contre l'Agent X, le site officiel des Enquêtes de Nils Jacket

Paragraphe 1069

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- Eh, mais qu'est-ce que vous avez ? s'exclame-t-elle soudain, les yeux fixés sur votre flanc.

Votre chemise est imbibée de sang. C'est votre plaie qui s'est rouverte tout à l'heure, quand vous avez sauté du mur d'enceinte. Pendant toute votre intrusion à Aikaterine, votre compresse de fortune vous a permis de tenir le coup. Mais votre fuite mouvementée a trop malmené votre blessure. Tant que les événements vous maintenaient sous adrénaline, vous ne sentiez pas la douleur. A présent, elle vous cingle avec force. La plaie saigne sans discontinuer.

- Bon sang, on dirait que vous avez reçu une balle ! s'écrie Tess horrifiée. Comment diable vous êtes-vous fait ça ?

- C'est rien, j'ai juste reçu une balle en sautant sur un train depuis un immeuble...

- Arrêtez de plaisanter, c'est pas une éraflure ! Vous vous êtes fait ça quand ?

- Lundi, au Chicago Ace. Les policiers m'ont tiré dessus. Une jolie jeune femme m'a déjà soignée, mais ça s'est rouvert ce soir pendant ma petite virée nocturne chez Baby Joe.

- Vous vous êtes infiltré dans le QG suprême de la mafia avec une blessure pareille ?! Mais vous êtes pas un peu marteau ?

- Ces ruffians vous avaient kidnappé sous mon nez. Quel piètre chevalier je ferais à ne pas tout tenter pour tirer des griffes des méchants la demoiselle en détresse !

- Taisez-vous, idiot ! vous intime-t-elle, le doigt sur vos lèvres.

Elle commence à vous enlever votre chemise.

- Si je vous avais fait confiance au salon de thé et vous avais laissé m'accompagner, vous auriez pu intervenir. Vous en avez fait beaucoup pour moi... Beaucoup trop...

Le regard mélancolique, elle va chercher dans la salle de bains de l'eau chaude, des serviettes pour vous faire des compresses, des bandages et de quoi vous désinfecter. Elle vous installe sur le lit de la chambre et, en professionnelle de santé au taquet, elle vous soigne consciencieusement.

- Je croyais que vous étiez fatiguée, lui faites-vous remarquer.

- Je le suis, mais je ne vais pas laisser se vider de son sang le chevalier qui a risqué sa vie cette nuit pour me sauver. Quelle piètre aide-soignante je ferais...

Le sourire avec lequel elle a dit cela ne vous a pas échappé. Lorsqu'elle a fini de vous panser, vous tentez votre chance. Vous lui prenez les mains et les examinez :

- Qu'est-ce qu'il y a ? Mes mains vous intriguent ?

- Je crois qu'elles sont atteintes d'un mal profond. Heureusement, des études médicales sérieuses ont démontré qu'il existe un moyen simple et peu onéreux de prévenir le cancer des doigts.

- Lequel ? s'enquiert-elle, peu convaincue.

- Les guilis, répondez-vous en lui présentant votre dos.

- Oh !

Offusquée par votre culot, elle tente de vous asséner un coup d'oreiller, mais vous le parez avec vos paumes.

- Aïe, aïe ! Ma plaie ! sifflez-vous entre les dents en sentant la douleur.

- Grr, espèce de profiteur ! Vous allez rouvrir votre blessure, avec vos bêtises. Allongez-vous sur le ventre.

Un sourire de victoire sur les lèvres, vous vous exécutez. Tess commence à vous effleurer doucement le dos de ses doigts fuselés. Vous fermez les yeux et laissez ce délice tactile vous délasser. Puis vous sentez la caresse de ses cheveux : elle a la tête penchée sur vous. Elle se met à déposer de petits baisers le long de vos omoplates. Elle se lève alors et commence à faire glisser ses manches le long de ses bras. En secouant les épaules, elle fait tomber sa robe noire le long de ses hanches.

- Que faites-vous ? lui demandez-vous.

- Je ne vais pas laisser mon patient seul le reste de la nuit. J'ai trop peur qu'il rechute. Je veux être à ses côtés au cas où il aurait un souci.

En quelques gestes sensuels, elle ôte ses sous-vêtements, offrant à vos yeux ébahis le spectacle de sa nudité. L'ancienne professionnelle de la séduction a gardé intacts tous les atouts de la réussite dans son ancien métier. C'est une femme d'une grande beauté, restée fatale malgré les circonstances. Difficile de résister à de tels charmes, mais vous lisez dans son regard une forme de profonde détresse. La personne qui a le plus besoin qu'on s'occupe d'elle à l'instant présent n'est pas celle qu'on croit. Vogel s'occupait d'elle, elle vous l'a confié au salon de thé. Maintenant, elle n'a plus personne vers qui se tourner, à part vous. C'est sans doute en grande partie pour cela qu'elle vous prend comme nouvel amant cette nuit. Mais les moments de tendresse ont été si rares dans votre courte vie d'amnésique que vous en appréciez la moindre seconde. Au point de mentir à Tess en lui assurant ne pas avoir mal à votre blessure, pour qu'elle n'arrête pas, alors que vous avez une douleur de chien.

Au moment de dormir, elle se blottit dans vos bras et vous dit, un trémolo de regret dans la voix :

- Ma robe noire, c'était ma robe de deuil à l'enterrement de Vitto...

- On peut vivre en tirant un trait sur le passé, la rassérénez-vous.

Elle laisse sur vos lèvres un langoureux baiser. Puis le sommeil finit par vous terrasser, au terme de cette nuit pas comme les autres.


Les deux heures que dure votre repos s'avèrent agitées. Les images de la villa de Baby Joe se succèdent devant vos yeux comme dans un kaléidoscope chaotique. Vous rêvez que vous courez, courez, pour échapper à vos tourments. A bout de souffle, vous devez faire une halte. Vous remarquez alors que vous vous trouvez au bord du lac de Genève. A une trentaine de mètres de vous, vous apercevez un homme aux cheveux blond peroxydé coupés en brosse, à califourchon sur une moto. Il est entièrement vêtu de blanc, mais un blanc maculé de nombreuses taches brunes. Au moment où vous allez croiser son regard, un éclair vous aveugle. En vous réveillant dans les bras de Tess, vous comprenez que vous venez d'avoir un nouveau flash-back.

Notez le Flash-back 8 sur votre Feuille d'Aventure, avec le numéro de ce paragraphe pour pouvoir vous y référer. Vous vous redressez et essayez de réfléchir au souvenir qui vient de vous revenir. Vous vous rappelez Dédé vous dire, le soir du crime, avoir entendu le bruit d'une moto qui s'en allait, non loin du Chicago Ace. Ce nouveau flash-back a-t-il un rapport ? Date-t-il de ce soir-là ou est-il plus ancien ?

- Qu'est-ce qui se passe, chéri ? s'enquiert Tess, l'esprit encore embrumé. C'est déjà l'heure de se lever ?

Vous remarquez que le jour filtre déjà à travers les volets.

- Tu as fait un mauvais rêve ? vous demande votre maîtresse.

Vous lui racontez votre flash-back, qui l'intéresse vivement. Après réflexion, elle pense que l'homme dont vous avez rêvé pourrait bien être Willy, le cuistot du Chicago Ace. Il est motard d'après ce qu'elle sait.

Après s'être occupée de vos soucis de mémoire, elle passe à l'examen minutieux de votre blessure au flanc. A priori, elle a bien cautérisé dans la nuit, mais elle reste douloureuse, et susceptible de se rouvrir au moindre choc. Tant que vous n'aurez pas vu un vrai médecin, vous devrez faire avec. Se drapant dans la couette pour donner une illusion de chasteté, elle vous invite à la suivre à la salle de bains. Sous la douche, elle prend soin de bien nettoyer le sang séché partout sur votre corps.


Lorsque vous avez fini de vous rhabiller, vous la laissez se maquiller et allez jeter un oeil à la fenêtre. En bas, vous voyez un groupe d'hommes en costume qui ne vous dit rien qui vaille. Ils parlent à voix basse entre eux et l'un d'eux semble leur indiquer de se déployer dans les rues avoisinantes. Ce sont vos ennemis, vous en mettriez votre main à couper ! Vous foncez trouver Tess.

- Vite, rassemble tes affaires, nous partons ! l'enjoignez-vous. Ils nous ont retrouvés.

Comme elle se hâte d'enfiler son manteau, vous reprenez votre poste d'observation :

- Ils n'ont pas l'air de savoir dans quel immeuble nous sommes, sinon ils débarqueraient en force ici. Peut-on rester dans cet appartement sans risque ?

- Sûrement pas. S'ils regardent les noms sur les interphones de chaque montée, ils vont découvrir où nous nous sommes réfugiés.

- Il faut que nous mettions les voiles tout de suite.

En sortant, vous voyez le nom "Stéphanie Kruger" sur la porte au moment où Tess la claque derrière elle. Vous n'avez pas le temps de lui poser la question qui vous est venue à l'esprit : vous devez descendre silencieusement par les escaliers, pour être certains de ne pas tomber sur vos traqueurs. Au rez-de-chaussée, le hall d'entrée est désert.

- La bagnole est sur la droite, indiquez-vous à votre compagne. Nous allons sortir sans courir mais en marchant d'un pas ferme, en tâchant de rester à couvert des véhicules en stationnement. Avec un peu de chance, ils n'ont pas encore repéré notre 4x4 et nous pourrons fuir avec.

- Vu l'état dans lequel il est, ce serait un miracle, tu veux dire !

A peine avez-vous fait dix mètres dehors que des balles viennent ricocher dans le mur au-dessus de vos têtes !

- Ils nous ont vus ! crie Tess. C'est quoi le plan, maintenant ?

- On court !

Vous piquez tous les deux un sprint jusqu'au coin de la rue et gagnez votre voiture en quatrième vitesse. Au moment où vous en ouvrez les portières, une vitre de la Chevrolet garée juste à côté explose ! On vous tire dessus ! Prenant le volant, vous sortez en trombe de votre place de parking et vous vous élancez dans la rue étroite, en direction du lac. Dans vos rétroviseurs, vous voyez les hommes en costume débarouler et vous canarder. Vos deux pneus arrière éclatent sous leurs coups de feu. Perdant la maîtrise du véhicule, lorsque vous arrivez dans la large artère qui longe la rive, vous faites un "tout droit" et allez vous emboutir dans une file de voitures garées. Décidément, cette journée débute comme a terminé la précédente !

Impossible de redémarrer. Et vos ennemis accourent, armes automatiques en bandoulière. Vous ne pouvez pas rester ici. Vous descendez tous les deux et Tess vous entraîne vers les quais, fréquentés par bon nombre de badauds en dépit du temps gris ce matin.

- Ils n'oseront pas nous faire quoique ce soit devant tout le monde, dit-elle.

- Je n'en suis pas certain.

Vous vous mêlez aux passants, qui vous regardent bizarrement. Vous paraissez trop pressés pour être de simples promeneurs venus admirer de près le Jet d'Eau. Tess ne cesse de regarder par-dessus son épaule.

- Je les crois qu'on les a semés, finit-elle par dire.

- Pas du tout. Mince !

A cent mètres devant vous, un groupe d'hommes en costume vient à votre rencontre, le regard fixé sur vous deux. Des hommes de Baby Joe, vous en avez reconnu un que vous avez failli renverser hier soir à la propriété. Un escalier permet de remonter au niveau de la rue, mais inutile de penser à cette issue : d'autres hommes patibulaires en descendent pour vous rejoindre. Votre sang se glace :

- Nous sommes coincés, tout est fichu !

- Non, il nous reste une chance ! s'exclame Tess. Là-bas, il y a un zodiac de la police sur le lac ! Il faut les prévenir !

Et ni une ni deux, elle s'enfuit par la langue de pierre qui traverse les eaux et amène au pied du Jet d'Eau. C'est du suicide : cette jetée est dépourvue de barrière, elle est complètement à découvert !


Si vous la suivez, rendez-vous au 173.

Si vous partez de votre côté, rendez-vous au 1348.