Vous savez que le bar est au bord du Rhône. Grâce à votre GPS, vous repérez où vous êtes sur une carte du canton de Genève et où se situe le Rhône. Vous démarrez en trombe, entrez dans la ville et rejoignez le Rhône. Vous le longez en direction du lac et parvenez bientôt dans des rues que vous reconnaissez, même si, dans votre souvenir, vous ne les avez vues que de nuit. Pleines de badauds, elles grouillent également de policiers. Vous comprenez que vous êtes arrivé au Chicago Ace.
Un périmètre de sécurité a été délimité autour du troquet ; seuls les enquêteurs ont le droit d'y pénétrer et les curieux s'amassent le long pour observer. En première ligne, quelques journalistes aisément reconnaissables à leurs dictaphones ou leurs appareils photos reflex. Les investigations suite à l'assassinat de cette nuit ne sont pas achevées. Vous allez avoir du mal à vous approcher, l'endroit est dangereux. Vous arrêtez votre moto à côté du rassemblement pour en comprendre la raison. Votre casque garantit votre anonymat. En tendant la tête, vous voyez des policiers sortir du bar avec des sacs remplis de pièces à conviction. Un fourgon arrive alors ; des ambulanciers en sortent et, vingt minutes plus tard, ils reviennent du Chicago Ace en portant un grand sac noir sur leur brancard. C'est le corps de Vitto Vogel qu'ils enlèvent pour le conduire à la morgue. Vous perdez ainsi toute chance de l'examiner.
Un badaud, un homme allant sur la cinquantaine d'années, vient se planter à côté de votre moto et se met à vous parler sans que vous ne l'ayez même regardé.
- Il y avait plus de journalistes ce matin, je trouve. Faut dire que tous les responsables de la police sont déjà partis, donc ils ne n'ont plus d'interviews potentielles à se mettre sous la dent, vu que les subordonnés ont pour ordre de se taire. Ce matin, il y avait aussi ce détective étranger...
Nils Jacket, je crois. Les gens ne le savent pas, mais j'ai eu ouï dire que ce type bosse pour Interpol. S'il s'est déplacé jusqu'à Genève pour enquêter sur ce meurtre, c'est que ce doit être plus grave qu'une simple bagarre d'ivrognes.
Vous avez l'impression qu'il a passé la matinée à observer le manège des policiers et à recueillir les potins et rumeurs.
- Ce Vitto Vogel, c'était un mafieux, vous savez. Dans le quartier, on s'en doutait tous, vu les drôles de gugusses qui fréquentaient son bar. Je ne vous parle même pas des tenues que portaient les filles qui les accompagnaient ! Tenez, encore ce matin, j'ai vu rôder dans le coin ce noir, tout droit sorti d'un épisode de Starsky & Hutch. En tous cas, si ce Nils Jacket est là, à rôder dans l'ombre, ce n'est pas pour donner un conseil ou deux par ci par là, comme le présente le commissaire Lamprey. Moi, je pense que ça doit être une affaire de trafic de drogues.
Vous ne l'écoutez déjà plus. Vous avez remarqué deux policiers en train de vous observer avec une attention qui vous met mal à l'aise. On dirait qu'ils regardent tout particulièrement votre moto. Ont-ils reconnu la Kawasaki qu'a volé l'homme du portrait-robot pour s'enfuir de l'hôpital et dont le signalement a dû être communiqué à toutes les unités ? Vérifient-ils la plaque d'immatriculation de votre moto ? Comprenant que vous allez avoir des ennuis dans les secondes à venir, vous pressez la manette des gaz et démarrez au quart de tour. Vous avez déjà fait cent mètres quand vous entendez les agents hurler derrière vous. Vous regardez dans votre rétroviseur et voyez que toute la foule agglutinée devant le Chicago Ace s'est retournée pour voir ce qu'il se passait. Vous levez les yeux de votre rétro trop tard pour voir une voiture de police avançant devant vous pour vous bloquer la route. Vous freinez brusquement mais allez encore suffisamment vite pour la percuter de plein fouet. Vous emboutissez votre moto et valdinguez par-dessus le capot. Vous boulez sur le sol mais ne perdez pas connaissance. Poussé par la soudaine adrénaline, vous vous relevez, tout contusionné. Noircissez l'une de vos cases Santé. Avant que la maréchaussée ne rapplique, vous prenez vos jambes à votre cou malgré le choc de l'accident.
Vous avez pris un gros risque de vous rendre dans un lieu dangereux avec un véhicule volé. Vous auriez dû vous débarrasser de cette moto au plus vite. Comme vous avez une longueur d'avance sur les policiers, vous empruntez d'étroites venelles pour les semer. En vain. Vous les entendez toujours derrière vous. Le problème est que vous croisez toujours un passant qui ne manque pas, quand les policiers arrivent vers lui, de leur indiquer dans quelle direction vous avez fui. Vous devez changer de stratégie si vous voulez leur échapper. Lorsque vous passez devant un petit entrepôt aux murs défraîchis, dont la porte est ouverte, vous vous y engouffrez sans hésiter. Vous vous retrouvez dans un rez-de-chaussée pas très haut de plafond, où sont éparpillés sur le sol un grand nombre de pièces détachées de voiture. Vous vous plaquez derrière le mur pour vous cacher lorsque les agents passent devant la porte et continuent leur route. Vous soufflez, content qu'ils soient partis dans une mauvaise direction. Mais vous préférez attendre un moment qu'ils se soient éloignés. C'est alors que vous entendez un sifflotement dans votre dos. Quelqu'un vient d'une autre pièce du rez-de-chaussée. C'est un garagiste qui amène une nouvelle pièce détachée.
- Je peux faire quelque chose pour vous, Monsieur ?
Vous lui expliquez être poursuivi par votre ex femme qui vous réclame encore de l'argent. Le brave homme vous prend immédiatement en sympathie et vous indique sa porte de derrière, pour vous permettre de partir sans être aperçu. Vous le remerciez vivement.
Vous vous retrouvez dans une petite allée verdoyante derrière l'entrepôt. Si ce n'est déjà fait, notez le mot-code "TUVOAV" sur votre Feuille d'Aventure. Vous quittez les lieux sans vous presser, tranquillement, histoire de ne pas paraître suspect, et aussi de reprendre votre souffle après cette nouvelle course. Vous avez failli vous faire pincer une nouvelle fois. Il va vous falloir faire preuve de davantage de prudence à l'avenir.
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