Vous sortez ensemble de l'hôtel. Il vous tend les clefs de sa vieille Dacia :

- Je préfère que vous conduisiez, si ça ne vous fait rien.

- Euh, comment dire...

- Si, si, si, j'insiste.

Vous savez qu'il vous demande cela parce qu'il se méfie encore de vous et qu'il veut garder ses mains libres au cas où il aurait à sortir son pistolet. Mais quand vous démarrez son tacot, vous commencez à vous dire que c'est pour une autre raison...

Il voit très bien où se situe l'entrepôt. Il vous guide assez facilement, à travers des rues embouteillées. Soudain, il vous ordonne instamment de vous arrêter ! Vous pilez presque, provoquant le courroux des automobilistes qui vous suivaient.

- Que se passe-t-il ? vous inquiétez-vous.

- Ce magasin ! Je me souviens ! J'ai vu sur Internet qu'ils avaient des marmites à moules en promo. Depuis le temps que j'en cherche ! Vite, on descend !

Vous restez accroché au volant, incrédule. Vous n'êtes pas sûr d'avoir bien compris la raison pour laquelle vous avez failli causer un accident. C'est une plaisanterie ?

- Allez, qu'attendez-vous ? vous presse Jacket. Allons-y !

Sans vraiment y croire, vous le suivez dans les rayons de cette moyenne surface spécialisée dans la décoration et l'ameublement. Quand vous arrivez au rayon ustensiles de cuisine, il pousse des exclamations de joie et se précipite sur une espèce de petit faitout qui vous paraît fort quelconque.

- C'est elle qu'il me fallait ! C'est elle ! s'écrie-t-il, sincèrement ravi. Et même pas chère, en plus ! Regardez cette belle marmite à moules.

Il vous la montre sous toutes les coutures et vous en explique le principe de cuisson, ce dont vous n'avez strictement rien à faire. Brusquement, il prend un air inquiet :

- Vous croyez qu'elle est de la bonne dimension ? Pour un repas de huit personnes ? Non ? Vous avez raison : il faut qu je passe un coup de fil ! J'ai une amie cuisinière.

Vous n'avez pas eu le temps d'en placer une qu'il a déjà le portable à l'oreille. Vous le laissez s'éloigner de quelques mètres pour ne pas vous immiscer dans cette conversation d'intérêt stratégique. Vous commencez à vous demander sérieusement si cet énergumène de Jacket est bien l'homme de la situation. On peut dire que c'est un original. Pouvez-vous vraiment lui faire confiance ? C'est peut-être aussi parce qu'il sort des sentiers battus qu'il vous a accordé une partie de la sienne, il faut dire. Pendant qu'il discute, vous examinez la disposition du magasin pour jauger des possibilités que vous auriez de vous enfuir. Toutefois, vous voyez que, bien qu'absorbé par sa passionnante conversation, il ne vous perd des yeux à aucun moment. Il reste vigilant. Peut-être qu'il cache bien son jeu, finalement... Et qu'il peut vous aider.

Vous passez en caisse et sortez avec la précieuse marmite. Le détective est aux anges :

- Je peux vous dire que je l'ai longtemps cherchée, celle-là ! C'est fou que ce soit si difficile d'en trouver ! Tous les magasins devraient en avoir !

Lorsque vous vous remettez en route, il sert sa marchandise de choix sur ses genoux.


Vous arrivez bientôt dans une zone industrielle. Après avoir passé l'usine Rolex, vous vous engagez dans une succession de rues désertes et avisez un entrepôt d'apparence abandonnée.

- C'est ici, c'est cette adresse qu'on m'a donnée. Ces lieux vous rappellent-ils quelque chose ? vous demande Jacket.

- Non, rien du tout. Toujours le mur blanc.

- Allons voir de plus près.

Vous vous garez et descendez de voiture. A contrecoeur, il laisse sa marmite à moules sur son siège. Vous vous approchez du hangar qui n'a pas l'air fermé. Il jette un oeil par une fenêtre crasseuse :

- Les lieux semblent déserts. Mais je préfère ne pas prendre de risque. Si ce lieu sert à des trafiquants de drogue, je ne vais pas sonner à la porte. Entrons sans nous annoncer.

Il sort son pistolet et vous demande de le suivre sans faire de bruit. La méthode ne vous semble pas très prudente. A sa place, vous ne procéderiez pas ainsi, si vous aviez avec vous un témoin dont vous estimez important qu'il conserve la vie sauve. Néanmoins, vous lui emboîtez le pas à l'intérieur.

L'entrepôt est plongé dans la pénombre. Le pâle jour ne parvient qu'à grand peine à dissiper les ténèbres. Une forte odeur de renfermé vous prend aux narines. Jacket avance prudemment le long d'un mur de bidons. Il est déjà trop tard quand vous apercevez la silhouette en haut des fûts sauter sur le détective et rouler avec lui dans sa chute ! Vous voulez réagir mais vous sentez des bras derrière vous vous attraper par les épaules. Vous faites volte-face pour vous défendre et commencez à distribuer des coups sans avoir bien vu votre adversaire. En réalité, il n'est pas tout seul. Les individus vous maîtrisent et un chiffon imbibé de chloroforme est bientôt pressé contre votre nez et votre bouche.

Rendez-vous au 850.