Vous claudiquez pour sortir de la zone des voies ferrées mais votre blessure au flanc vous handicape trop. Maintenant que la poussée d'adrénaline est passée, toute la douleur de l'hémorragie s'abat sur vous. Il vous faut vider les lieux le plus vite possible, mais vous savez que, diminué comme vous l'êtes, vous n'avez aucune chance d'y parvenir avant que la police n'arrive. Vous regardez autour de vous : aucun endroit où vous cacher sur ce terrain à découvert. Vos carottes semblent plus que cuites.
C'est alors que vous vous rappelez : Dédé le clochard vous a dit, avant que vous n'entriez dans le Chicago Ace, qu'il comptait aller faire la manche du côté de la gare. S'il y est encore, peut-être voudra-t-il encore vous aider. Ne voyant pas de meilleure solution, vous vous dirigez finalement vers la gare, au prix d'un effort immense qui vous meurtrit le côté. Vous vous jetez dans la gueule du loup, mais c'est votre seule chance de salut.
Vous suivez les voies ferrées mais, quand vous parvenez aux quais, vous apercevez des troupes de policiers qui courent de wagon en wagon, à votre recherche. Vous contournez le danger en longeant l'extérieur du bâtiment. Votre tête se remet à tourner. Vous vous sentez de plus en plus nauséeux, comme lorsque Dédé vous a réveillé tout à l'heure. Vous sentez que vous perdez votre sang, bien que le froid anesthésie de plus en plus toutes vos sensations. Soudain, alors que vous passez devant les poubelles de la gare, une main calleuse s'abat sur votre épaule. Vous voulez faire volte-face pour riposter mais vos pieds transis s'emmêlent et vous tombez par terre.
- Mon Dieu ! C'est bien toi ! Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?! T'es plein de sang !
Vous reconnaissez le visage avenant, mais présentement inquiet, de Dédé le clochard. Vous souriez de soulagement, avant de tourner de l'oeil.
- Hé, fiston, reste avec moi ! vous dit-il en vous donnant des claques. Remets-toi sur tes guibolles, tonton Dédé va t'sortir de là !
Il vous prend par les épaules et vous relève. Puis il prend la direction d'un recoin sale et obscur de la gare.
- Quand j'ai vu tous les poulets qui ont débarqué dans la gare, j'ai eu peur qu'ils m'arrêtent pour exercice illégal de la manche, alors que j'me suis taillé et j'suis allé fouiller les poubelles, mon dernier recours habituel. Puis j'ai repensé à la flicaille au Chicago Ace. J'me suis demandé s'ils t'avaient eu ou pas, et sur qui j'tombe alors ? Sur toi. Ils sembleraient qu'ils t'aient pas raté. Mais j'ai un passage secret pour pouvoir nous enfuir.
Au moment où il dit cela, il s'arrête devant une grande bouche d'égout, qui s'avère non scellée. Il l'ouvre et vous invite à y descendre sans tarder. En rassemblant le peu de forces qu'il vous reste, vous prenez l'échelle et vous vous enfoncez dans les ténèbres. La descente n'est pas longue, mais chaque appui sur votre jambe gauche est un atroce calvaire. Blessé, éreinté, l'estomac dans les talons, vous n'en pouvez plus. Votre corps ne peut lutter plus longtemps. Toutes vos forces vous quittent d'un coup et votre esprit se trouble. Vous faites un malaise et tombez de l'échelle, pour vous effondrer sur le sol humide des égouts.
- Fiston, fiston, fais pas l'imbécile, meurs pas maintenant ! s'écrie Dédé en descendant les barreaux rouillés.
Avant de perdre totalement connaissance, vous sentez que votre sauveur soulève votre tête et vous dit, paniqué :
- Tiens l'coup, p'tit gars ! La
Docteur Viêt habite pas loin, je t'y emmène ! Elle va te soigner. Faut que tu te battes !
Sa voix paraît déjà si loin... si loin...
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108.