Raccrochant son combiné, la jeune femme vous annonce avec sourire que son patron est disposé à vous recevoir immédiatement. Quatre membres patibulaires du service de sécurité vous prennent alors en charge et, vous encadrant comme des gardiens de prison encadreraient un prisonnier mené au gnouf, ils vous conduisent à travers un hall luxueux, puis une série de couloirs. Bolet vous a révélé que le PDG de FBSA est en réalité un criminel, un trafiquant d'armes doublé d'un espion répondant au nom de code "Lord". C'est une information capitale dans le cadre de votre enquête. Le rival déclaré de Louis Dattaque avait un mobile pour l'assassiner : voler les plans. Et il n'avait pas l'honnêteté qui l'aurait dissuadé d'ordonner un meurtre. Vous êtes donc en plein dans l'antre de ce génie du mal, cerné par ses hommes de mains qui ont, peut-être à raison, des têtes de tueurs à gages. Leur compagnie n'a rien de rassurant.
Arrivés devant une porte d'acajou à double battant, ils vous invitent, sans un mot, à entrer dans cette pièce. Circonspect, vous pénétrez dans une spacieuse salle de conférence. Une grande table en occupe le centre, et autour d'elle sont disposés une trentaine de luxueux fauteuils en cuir noir. Tous vides, à l'exception de la place du président de séance, tout au bout de la table. Son haut fauteuil tourné dos à vous, son occupant vous adresse la parole sans vous voir, avec un accent anglais prononcé :
- Veuillez accrocher votre imperméable au portemanteau, Mr Jacket. Puis venez vous asseoir par ici.
Vous vous exécutez et pendez votre vêtement à côté d'une veste sombre qui doit être celle de votre interlocuteur. Lorsque vous prenez un siège, Nelson Delmas, sans se lever, se tourne vers vous. Vous rencontrez enfin le PDG de FBSA, le concurrent peu recommandable de feu Louis Dattaque. Il n'est pas d'allure très impressionnante : taille moyenne, âge incertain, chemise et cravate quelconques. Son crâne légèrement dégarni et sa barbe noire impeccablement taillée en bouc lui donnent quand même près de la cinquantaine, ainsi que cet air quelque peu méphitique que vous lui avez déjà vu hier au bal. Un air malveillant, dévoré par ce tic convulsif qui agite son il droit.
- C'est donc vous le fameux Jacket qui enquête sur la mort de mon vieil ennemi Dattaque ? Charmé de faire enfin votre connaissance. J'ai appris vos actions d'éclat. En trois jours d'enquête, vous avez causé un sacré remue-ménage. Il semblerait que le jeune Loyson ait réussi à dénicher un détective inconnu plus doué que la plupart des soi-disant "grands détectives".
- Je vous remercie, "mylord", répondez-vous avec malice.
Il vous fixe avec ses petits yeux noirs autant que son tic le lui permet, l'air de peu goûter l'allusion. Il ne riposte pas à la provocation :
- Je vous ai vu faire, hier, à l'ambassade, lors du bal. Je vous trouvais assez insignifiant, avec votre vieux costume. Mais les apparences m'ont trompé. Ce matin, vous avez réussi un coup de filet spectaculaire. Vous avez donc fait arrêter Robert Bolet. Je suppose, vu la façon dont vous venez de m'appeler, que ce poltron a été trop bavard ?
- C'est exact. Il s'est mis à table et s'est proposé de témoigner contre vous. Je sais votre activité de fourniture d'armes "officieuse", ainsi que votre activité d'espion. Une carrière qui devrait donc bientôt s'achever derrière les barreaux.
Delmas essaie du mieux qu'il peut de cacher sa colère. Votre toupet le déstabilise. Un sourire diabolique se dessine sur ses lèvres :
- Vous êtes sacrément gonflé d'oser venir ici me dire tout cela en face. J'aime le culot ! Mais je ne comprends pas ce que je peux faire pour vous. N'est-ce pas le meurtrier de Louis Dattaque que vous cherchez ? Celui qui a signé son crime d'un X de sang ?
- C'est justement pour vous poser quelques questions sur lui que je voulais vous voir. Comme il se dit prêt à témoigner contre vous, vous aurez certainement envie de témoigner contre lui.
Le visage de Delmas prend une expression troublée, déconcertée.
- Attendez, de qui me parlez-vous ? Jouons cartes sur table : vous savez que c'est l'Agent X qui a assassiné Dattaque ? Pourquoi me parlez-vous de Bolet ?
- Parce que Bolet
est l'Agent X.
Votre hôte vous regarde un instant avec des yeux totalement ahuris. Puis, à votre surprise, il éclate de rire ! Il n'arrive plus à s'arrêter.
- Qu'y a-t-il de drôle ? voulez-vous savoir, piqué au vif.
- Alors là, c'est la meilleure de l'année ! Bolet l'Agent X !
How funny !- Les preuves sont confondantes.
- Eh bien vous feriez mieux de les revoir, vos preuves. Comme vous devez le savoir, Bolet, alias le Colonel, était ma taupe au sein de Dattaque Industries. J'ai pu juger de sa valeur. Sa qualité, c'est d'être très discret et consciencieux. Ce qui allait très bien pour le peu qu'il avait à faire. Mais c'est un espion de seconde zone, un être insignifiant. Rendez-vous compte : il a peur du sang ! Vous le voyez en assassin ninja ?
- Vous me jugiez insignifiant moi aussi, je vous rappelle. Quelle preuve tangible avez-vous que le Colonel n'est pas X en personne ? Il ne serait pas le premier espion à adopter plusieurs alias.
- Un machiavélisme de génie, hein ? Non, j'ai la preuve que non. Il y a trois ans, j'ai eu affaire à l'Agent X, dont j'ai pu apercevoir la silhouette ce soir-là. Le Colonel était à côté de moi à ce moment précis. Et puis, il est arrivé plusieurs fois que je sois avec Bolet alors que X était ailleurs au même moment, en train de commettre un forfait et de le signer de son X écarlate.
Les propos que vous venez d'entendre ont de quoi vous inquiéter. Delmas vous a mis un gros doute dans l'esprit : et si l'histoire que Bolet a racontée était vraie ? Et si ce n'était pas lui qui s'était rendu à la bibliothèque ? Voilà qui est très embêtant : cela voudrait dire qu'il est innocent et que le vrai Agent X, lui, est toujours en liberté. Vous auriez à reprendre à zéro tout votre raisonnement.
Vous demandez à Delmas s'il a une idée de qui serait le véritable Agent X ou s'il a des informations sur lui, mais il refuse d'en dire davantage.
Voulez-vous : le menacer de le faire coffrer comme Bolet s'il ne parle pas ? (rendez-vous pour ce faire au
349)
Lui dire que seul X vous intéresse car vous êtes juste payé pour élucider le meurtre de Louis Dattaque ? (rendez-vous au
655)
Prendre congé ? (rendez-vous au
359)