Nils Jacket Contre l'Agent X, le site officiel des Enquêtes de Nils Jacket

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Comme chaque détenu le doit son premier jour d'incarcération, vous passez à la traditionnelle visite médicale. Vous êtes le dernier arrivant à vous y soumettre ; Sanchez en sort quand vous entrez dans l'infirmerie. L'endroit paraît mieux tenu que le commun des prisonniers, mais n'en est pas moins vétuste. La chose que vous remarquez immédiatement est l'absence de barreaux à la fenêtre.

Vous vous faites examiner par un médecin d'une cinquantaine d'années, sans émotions, aussi bavard que la porte de la prison. Il vous juge en bonne santé et, comme c'est un intervenant extérieur sans permanence entre ces murs, il s'en va en toute hâte, pressé de quitter ces lieux peu engageants. Il vous laisse aux bons soins de l'infirmière de garde, Mlle Varga. Comme vous vous rhabillez, la soignante vous apporte un dernier questionnaire à remplir.

Il y a peu de femmes dans une maison d'arrêt pour hommes, et vous vous attardez sur le profil penché devant vous, la seule présence féminine qui vous accompagnera les jours qui viennent. Un nez bien droit, un menton volontaire, presque anguleux, des cheveux châtains ramenés de façon peu élégante derrière les oreilles. Le visage, plutôt charmant, aurait été banal sans des lèvres passionnées et une impression d'énergie tranquille. Grande, mince, Mlle Varga est vêtue de la même blouse blanche rébarbative réglementaire que le toubib. Les courbes de sa poitrine et de ses hanches, que vous devinez dessous, vous apparaissent plus athlétiques que sensuelles. Elle ne porte aucun bijou, pas même une montre, et son charme naturel, dépourvu de maquillage, rappelle une journée d'hiver rigoureux. Seul détail venant adoucir cette sensation de froideur : de petites fossettes presque enfantines qui ne peuvent avoir été dessinées que par un sourire profond, jusqu'à présent refusé. Oh, et il y a ses yeux marron, presque olive, dont le flamboiement révèle une nature plus enflammée qu'elle ne le montre.

Il faut comprendre aussi la jeune femme : on doit laisser paraître une certaine dureté quand on est une jeune femme de même pas trente ans, amenée à côtoyer des prisonniers aussi dangereux qu'en ces lieux. Deux surveillants se tiennent en permanence à l'entrée de l'infirmerie, prêts à intervenir au cas où.



(illustration dans le livre : possibilité d'indice à l'intérieur)



En lui rendant le questionnaire dûment rempli, vous tâchez d'engager la conversation :

- Je ne suis ni drogué, ni bagarreur, vous risquez de ne pas me voir souvent.

- S'il le faut, j'assure la permanence tous les jours, sauf les week-ends, répond-elle sèchement, d'une voix grave et rauque.

- Fumer n'est pas bon pour la santé, faites-vous remarquer, malicieux. C'est un mauvais exemple pour nous autres, gibiers de potence.

Elle ne s'attendait pas à votre remarque qui, passé l'effet de surprise, lui arrache enfin l'esquisse d'un sourire.

- Vous êtes une personne courageuse, pour pratiquer dans ce lieu de perdition, poursuivez-vous. Ce ne doit pas être facile tous les jours.

- Ça dépend de votre comportement, je vous signale.

- Je ne pense pas que tous mes camarades ont le respect qu'ils vous doivent, même quand ils sont en attente de soins.

- Ils n'ont pas intérêt, justement. Et je repère vite les simulateurs.

- Pourquoi ne pas vous occuper de petits vieux friqués qui vous couvriraient de cadeaux ?

Elle hésite un instant avant de vous répondre :

- Je ne suis pas là depuis longtemps. Je n'ai pas encore eu le temps de regretter. J'ai demandé ma mutation à la Centrale… pour impressionner mon père.

- Ah bon ?

- Un petit bourgeois BCBG, un peu trop de droite à mon goût, qui ne croit pas en la réinsertion.

- Vous lui donnerez tort, j'espère. Mais les désillusions ne doivent pas manquer, par ici…

- Il faut voir les choses autrement, Mr Exxel, vous encourage-t-elle en vous montrant le soleil qui brille par la fenêtre. Vous n'êtes pas ici à perpétuité, vous devez garder l'espoir de sortir un jour. C'est pour ça que je ne veux pas de barreaux à cette fenêtre.



L'heure du repas sonne avant que vous n'ayez regagné votre cellule. Au réfectoire, vous êtes le dernier d'une file, au bout de laquelle vous attend une espèce de tambouille peu appétissante, servie négligemment par des cuistots détenus. Bien sûr, tous les sièges sont pris à la table des frères Estrada et de Beati. Heureusement, Sanchez vous a gardé une place à la sienne.



Si vous occupez la même cellule que lui, rendez-vous au 580. Si vous partagez votre cellule avec un autre détenu, rendez-vous au 803.