Comme vous arriviez chez vous, vous tombâtes sur Lydia Notarangeli, qui marchait d'un pas hésitant dans votre direction. Elle portait une longue jupe volante et un simple débardeur. Il était vrai que la soirée était plutôt douce. Mais que faisait-elle par ici ?
- Bonsoir, Mlle Notarangeli, lui lançâtes-vous. Quelle agréable surprise de vous voir dans ce quartier. Vous vouliez me voir ?
- Oui
euh, non ! Je
je passais dans le coin, et quand je vous ai aperçu, j'ai trouvé plus poli de venir vous saluer. Et puis, je tenais aussi à m'excuser : vendredi dernier, je n'ai pas été très affable. Vous comprenez, suite au décès de l'ami de Sonia
l'ambiance n'était pas à la joie
Vous ne croyiez pas un mot de cette explication embrouillée. Elle n'était nullement là par hasard : elle avait obtenu d'une manière quelconque l'adresse de votre domicile et elle vous attendait, c'était évident. Vous étiez curieux de savoir quelle idée elle avait derrière la tête :
- Si vous avez un peu de temps, nous pouvons discuter un petit peu. Ça vous dit que nous allions dans un endroit tranquille et inhabituel ?
Elle fit inconsciemment un pas en arrière, sur la défensive :
- Chez vous ?
- Non
Ne vous inquiétez pas, je vous ferai le coup du séducteur lourdingue la prochaine fois.
Elle se détendit et accepta de vous suivre.
Dans l'ascenseur, vous appuyâtes sur le bouton du dernier étage. Lydia était intriguée :
- Vous n'allez pas me dire où vous m'emmenez ?
- Vous allez bientôt le savoir.
Au palier le plus haut de l'immeuble, vous la fîtes monter un escalier crasseux jusqu'à une espèce de remise. Vous en ouvrîtes la porte du fond.
- Voilà, on y est.
- Mais, c'est juste le toit.
- Regardez mieux.
- Oh, c'est magnifique !
Votre immeuble était très haut et dominait la ville qui, comme la nuit tombait, se parait de ses atours de lumières artificielles. Fenêtres allumées. Enseignes lumineuses, clignotantes parfois. Lampadaires alignés sous lesquels les ombres se figeaient, redessinant la lointaine réalité diurne condamnée à disparaître les heures à venir. Flots incessants des phares de voitures, qui vus d'en haut n'étaient que successions de points lumineux blancs et rouges se croisant dans le noir.
Éclairés par en dessous, les toits se fondaient dans la nuit naissante, estompant peu à peu la frontière entre le ciel et le béton. Le souffle du vent même se faisait plus doux, plus ouaté, et portait à vos sens les parfums et les sons de la vie nocturne qui prenait ses droits. Klaxons, ruée de voitures, de taxis, de piétons. Bruits sourds des éclats de voix et des portières qui claquaient. Boutiques qui expectoraient les derniers clients attardés.
- C'est éblouissant. Je n'avais jamais vu la ville comme ça.
- La nuit, c'est très beau, une grande ville vue d'en haut. Dans mon métier, on en voit plutôt les côtés sordides. Les bars enfumés, les rues mal famées, les métiers inavouables, les êtres maléfiques qui se croient soudain libres de leurs péchés car le soleil n'est plus. Quand je suis dégoûté par tout ce que je vois, je monte ici et je me pose, à contempler. On ne distingue plus que la silhouette des gens, sans distinction de couleur de peau, de manière de s'habiller, d'intention. Et, au bout de quelques minutes, je retombe sous le charme de cette ville. Je suis comme fasciné par le spectacle. C'est pour ça que j'ai voulu acheter mon appartement dans cet immeuble. Pour ne pas oublier d'où je viens. Ne pas oublier ce que je suis.
Lydia était heureuse, mais presque gênée par la solennité de l'instant.
- Merci de me faire partager quelque chose de si intime.
- C'est aussi là que je viens pour réfléchir sur mes enquêtes, au calme.
- Votre cabinet n'est pas calme ?
- Si
enfin, quand ma secrétaire ne tchatche pas trop.
Mise en confiance, elle s'ouvrit un peu plus à vous. Elle vous confia être déprimée par tous les événements autour des peintures de son père. Elle ne savait pas trop quoi penser de lui. C'était un meurtrier, mais elle voulait encore croire que c'était une erreur judiciaire. Sonia lui remontait toujours le moral, d'habitude, mais depuis la mort dramatique de son ami Romaric, elle était triste et c'était à Lydia de lui remonter le moral. D'après Sonia, Pommarel n'avait aucun ennemi ; ce meurtre ne rimait à rien.
Lydia alla jusqu'à vous confier que les choses n'allaient pas très bien entre Philippe et elle. Vous vous en doutiez un peu après le spectacle de magie de la semaine passée. Son fiancé était à cran à cause du Voleur d'Ombres qui continuait d'opérer en toute impunité alors qu'il l'avait identifié.
- Il l'a identifié ?! Qui est-ce ?
- Ben, ce Ducult dont ont parlé les journaux.
- Ah
Il est persuadé que c'est lui, décidément.
- Pourquoi vous dites ça ? s'étonna-t-elle, soudainement angoissée. C'est pas lui votre suspect ?
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