Sitôt le portail franchi, une allée de gravier menait à la grande villa moderne haute de trois étages, au rez-de-chaussée de laquelle se tenait la réception. Les dernières lueurs du jour vous permettaient d'appréhender le domaine qui entourait la maison et ses dépendances : plusieurs hectares au bas mot, dont une partie occupée par des bois. Un bon moyen que ces arbres pour se faufiler inaperçu, vous dîtes-vous.
Les gorilles vous avaient enjoint à bien suivre le chemin de gravier, sans vous en écarter. Était-ce pour la bonne tenue des jardins, ou pour une autre raison ? Curieux de le savoir, vous fîtes un pas sur la pelouse. Aussitôt, plusieurs grands dogues surgirent et vous aboyèrent dessus, prêt à vous déchiqueter. Un vigile accourut :
- Bon sang, c'est quand même pas compliqué à comprendre ! Sur-le-gra-vier !
Si, lors de ses précédents faits, le Voleur d'Ombres avait pu passer par les toits ou des passages secrets, cette fois comment allait-il pouvoir s'y prendre pour s'introduire dans la maison ? S'il voulait profiter de l'ombre du parc boisé, non seulement il lui fallait escalader le mur sans se faire remarquer par les agents de sécurité ou la foule des curieux, mais il devait déjouer la vigilance des chiens. Même sans ombre, il ne pouvait tromper leur odorat. Avait-il simplement un carton d'invitation
?
Des hôtesses d'accueil embauchées pour l'occasion vous firent passer par un hall et une antichambre jusqu'à la grand salle où se tenait la réception. Les invités triés sur le volet et endimanchés commençaient à remplir l'endroit, se pressant autour de présentoirs où plusieurs toiles étaient exposées dans leurs maries-louises. Un attroupement significatif s'était déjà formé autour d'un tableau un peu à l'écart, accroché au lambris du mur. Le Lion Blanc, à n'en pas douter.
Après avoir donné quelques consignes à un inspecteur en civil, Châtaing vint se poster avec vous vers les portes-fenêtres qui donnaient sur les jardins.
- Le commissaire est encore en coulisses à superviser les derniers préparatifs, vous indiqua-t-il. Le pauvre, il en est à sa chaipascombientième pipe de la journée !
- En quoi consistent ces préparatifs ?
- Désolé, je ne peux pas vous le dire. Compte tenu des soupçons de fuites qui pèsent sur la police, nous sommes tenus au secret, même envers vous, Jacket. Le service de sécurité de Pumar nous a donné les consignes ici même, aujourd'hui seulement, pour éviter cette fois-ci tout risque d'ébruitement inopportun. Rien n'a pu filtrer. Sachez juste qu'un piège a été prévu vers le Notarangeli, pour le voleur, mais chut.
- Un piège ?
- Vous bilez pas. Le système a été sécurisé. Le vaurien ne nous aura pas comme à la Galerie Dalembert.
Quand tout le monde fut à peu près là, Monica Pumar fit tinter une petite cloche très kitsch pour faire taire les conversations et attirer l'attention de tous. Un peu trop boulotte dans sa robe rose-orangé trop serrée, et de toutes façons mal assortie à la teinture rousse de ses cheveux courts, la maîtresse de maison était une quinqua pleine d'énergie et de bonnes intentions. Affable, elle souhaita à tous une bonne soirée :
- Ce n'est pas tous les jours que mon mari consent à exposer sa collection, profitez-en bien ! Nous n'avons pas voulu annuler cette réception, malgré les provocations de ce Voleur d'Ombres. Vous comprendrez néanmoins que la sécurité soit un peu présente, ne vous en offusquez pas.
À côté d'elle était venu se poster le mari en question, Tyron Pumar, dont les sourcils broussailleux rendaient encore plus sévère sa mine grincheuse. Quelque peu dégingandé dans son smoking, on le sentait peu à l'aise avec les mondanités. Ce qu'il confirma en ajoutant :
- Si t'es dans la salle, Voleur d'Ombres de mes deux, t'es un homme mort !
Un murmure gêné voire craintif parcourut l'assistance. Sa femme, rouge de honte, lança les réjouissances sur un ton enjoué qui sonnait faux. Le ton de menace dans l'apostrophe de Pumar avait de quoi faire froid dans le dos. Il était du genre à sortir un fusil et tirer à vue. Ce soir, la partie s'annonçait un peu plus dangereuse pour votre monte-en-l'air.
- Pourquoi le Voleur d'Ombres serait-il forcément un homme ? fit une voix familière derrière vous.
C'était Angélique Halade, très classe dans une robe de soirée dorée qui, elle, ne la boudinait aucunement.
- Vous pensez donc que le voleur est une voleuse ? lui demandâtes-vous après l'avoir dûment saluée.
- Non, je disais juste ça contre le machisme de ce malotru de Pumar. Sa femme a des manières charmantes, mais lui est un ours mal embouché et un butor. Comme je la plains ! Encore une histoire de gros sous et non un mariage d'amour
!
Que répondre à cela ?
"Vous avez épousé votre mari par amour, vous ?"
(rendez-vous au 359)
"Mr Halade n'est pas avec vous ?"
(rendez-vous au 281)
"Vous connaissez bien les Pumar ?"
(rendez-vous au 853)
"Vous êtes venue voir le vol en direct ?" (rendez-vous au 49)