Nils Jacket Contre l'Agent X, le site officiel des Enquêtes de Nils Jacket

Paragraphe 952

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Le lendemain, dimanche matin, les journaux n'en avaient tous que pour le nouveau vol audacieux du Voleur d'Ombres. Aucune police ne semblait capable de lui résister. Le ministre n'était plus seulement de mauvaise humeur, il était carrément en rogne. Mais pas contre les hommes de Cardoze, cette fois. Du coup, le commissaire ne connaissait pas de dépression post-larcin réussi du Voleur d'Ombres ce matin-là, quand vous vîntes lui rendre visite. Il n'était pas de bon poil non plus ; cela faisait déjà le deuxième dimanche où il était mobilisé au commissariat. Il aurait préféré voir sa petite amie, vous imaginiez.

- Vous restez pour le débriefing, Jacket ? vous demanda-t-il, dans l'espoir d'un peu de compagnie.

- Hélas, je suis attendu à un repas de famille. Je voulais juste savoir si vous aviez de nouvelles infos sur le vol d'hier.

- Rien de neuf, non. Notre adversaire était encore une fois au courant des mesures de sécurité prises, mais c'était le dispositif habituel de la salle des ventes, "su de tous", si je puis dire.

- Il fallait tout de même être réactif. Courget de Firginie pouvait faire n'importe quoi de sa toile. Et s'il la mettait en vente, ça pouvait être dans n'importe quelle salle. Il fallait anticiper ses intentions.

- Il y a du talent en face, on est d'accord. Courget de Firginie s'en tire bien, au bout du compte. Son Notarangeli a été vendu juste avant d'être dérobé. C'est Halroyd, le nouveau propriétaire, qui l'a eu dans l'os.

Le Voleur d'Ombres avait-il sciemment attendu que Halroyd entrât en possession de La Dame dans la Neige avant de passer à l'attaque ?


- Ça y est, j'ai arrêté Ducult et son complice !

Cardoze et vous vous tournâtes vers Philippe Châtaing qui venait de faire irruption dans le bureau, exultant et triomphant, avec un autre inspecteur.

- Mais pourquoi vous avez fait ça ? Qu'est-ce qui vous a pris ? s'emporta son supérieur. Ducult n'était pas chez lui cette nuit, très bien, mais ça ne prouve en rien que c'est lui le Voleur d'Ombres. Et puis, de quel complice parlez-vous ?

- Kevin Lancet, un chômeur. Ça vous la coupe, hein ?

Châtaing était content de son effet. Le commissaire le somma de s'expliquer. Les policiers en planque officieuse vers chez Ducult avaient constaté hier soir, après que le vol eut été signalé, que le jardinier n'était pas chez lui. Châtaing leur avait donné l'ordre d'attendre devant la porte jusqu'au retour de l'habitant des lieux. Ducult était rentré chez lui très tard dans la nuit. Malgré ses cris de protestation, les inspecteurs étaient entrés à sa suite. Et là, ils avaient eu la surprise de voir qu'un homme se trouvait déjà dans l'appartement. Le fameux Kevin Lancet.

Après interrogatoire, celui-ci avait avoué que Ducult l'avait payé pour occuper son logis et se faire passer pour lui les soirs où le Voleur d'Ombres devait entrer en action. Ducult n'avait plus qu'à sortir en toute tranquillité par une porte de service désaffectée de l'immeuble. Lancet faisait croire que le jardinier était toujours chez lui en se montrant à la fenêtre, en ombre chinoise, aux policiers en surveillance. Ducult lui avait dit que c'était pour pouvoir se rendre au bar sans se faire pincer par son agent de probation.

- Lancet ne se doutait pas que c'était pour un motif plus grave, conclut Châtaing.

- Tous les alibis de Ducult s'effondrent, en effet, approuva Cardoze.

- Et ce n'est pas tout ! En fouillant l'appartement, nous avons trouvé un sac poubelle dans un placard. Il contenait des vêtements de femme, du maquillage et une perruque de femme brune.

Un inspecteur, qui avait lui aussi procédé à la perquisition et qui était justement celui qui avait découvert le sac, précisa que Ducult avait été abasourdi de trouver ces affaires chez lui.

- De la comédie ! trancha Châtaing.


Le commissaire et vous allâtes voir David Ducult en garde à vue.

- Vous faites décidément tout pour être accusé, ma parole…! lui lança Cardoze.

Le jardinier rit jaune. Puis ajouta :

- Je ne veux pas que le pauvre Kevin ait des ennuis par ma faute. Relâchez-le. Je suis le seul responsable.

Il expliqua avoir trouvé ce stratagème pour pouvoir vaquer à ses occupations les soirs de vols annoncés. Quant à la tenue féminine, il ne comprenait pas ce qu'elle faisait dans son placard.

- J'ai jamais vu ces trucs, je vous le jure ! C'est un coup monté !

- Ne dites plus rien !

Narjis Renoir venait de surgir dans votre dos. Elle s'était fait conduire auprès de son client pour le faire taire avant qu'il ne parlât trop et ne se compromît. Elle n'eut pas de mal à le faire sortir de garde à vue pour procédure abusive : les inspecteurs de Châtaing n'avaient pas à perquisitionner de la sorte à son domicile et à l'arrêter sans preuve qu'il était impliqué dans le vol à Champemin. Ils n'avaient pas trouvé de tableau volé chez lui, ils n'avaient pas de raison de le retenir en détention à cause de son absence, vu qu'il n'était point soumis à un quelconque contrôle judiciaire. Cardoze n'avait pas d'autre choix que d'obtempérer, pour ne pas s'attirer davantage d'ennuis.


Neuf des dix Notarangeli avaient été dérobés avec succès par le Voleur d'Ombres. Il ne restait plus désormais que la toile de Halroyd. Celle qu'il possédait depuis quelques années. Plus qu'une chance pour coincer votre médiatique adversaire. Une dernière chance de lui faire ravaler son orgueil.

Vous n'étiez pas resté avec le commissaire au débriefing complet car c'était ce dimanche que tante Clarisse vous avait convoqué à son repas d'anniversaire. Il n'était pas envisageable de le manquer, ni même d'être en retard, eussiez-vous enquêté sur l'assassinat de la reine d'Angleterre. Ce genre d'excuse ne serait pas accepté, et le péril était trop grand pour être pris à la légère.

L'affaire du Voleur d'Ombres étant le principal sujet de conversation des repas de famille actuels, on vous pressa de relater les derniers rebondissements de votre enquête. Tante Clarisse releva un détail :

- La perruque trouvée chez Ducu était brune ? Pas rousse ?

- Ducult, pas Ducu, rectifiâtes-vous. Et non, elle était brune. Pourquoi ?

- La dame qui a engagé le pilote d'hélicoptère, dimanche dernier, elle était rousse, non ?

- Tu penses que Ducult s'est déguisé en femme ?

- Ou que la personne qui portait la perruque rousse l'a mise chez lui pour le compromettre.

- Si la dame qui a payé le pilote portait une perruque rousse, elle n'aurait pas été assez bête pour garder cette preuve contre elle. Elle a dû la brûler le soir même du vol chez Pumar.

- Très juste. Tu as fait des progrès, Nils.

Le chapitre professionnel clos, on passa le reste du repas à vous interroger sur un autre sujet, encore plus épineux.


Le lendemain, lundi, vous revîntes avec Amy sur ledit sujet :

- Ma famille me tanne pour savoir quand je leur présenterai une petite amie, c'est pénible.

- Si ça peut vous aider, vous n'avez qu'à m'amener et je jouerai le rôle.

- Tante Clarisse ne se laissera pas duper par la supercherie. Elle est trop maligne.

Vous passâtes le reste du lundi au ministère. Vous rentrâtes chez vous le soir, fourbu. Vous reçûtes alors un coup de fil d'un Cardoze très agité :

- Jacket, j'ai essayé de vous joindre toute la journée ! vous reprocha-t-il presque.

- J'étais au ministère. Les portables doivent être éteints. Mais que se passe-t-il ? Je vous sens nerveux.

- Angélique Halade a été assassinée.


Rendez-vous au 387.